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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

Le mécanisme prend comme terrain solide de construction, l’unité profonde de l’intelligible et de l’expérience, du pensable et du représentable, du rationnel et du perceptible. Et il n’est pas sorti de ce terrain. Il l’a toujours exploité, en s’efforçant de ne rien laisser en friche. Lorsqu’il est amené à des hypothèses contradictoires, c’est qu’il échafaude, mais ne construit rien de définitif. Il le sait ; il compte pour résoudre la contradiction sur l’expérience à venir, car la logique n’étant que l’expression du réel, le réel est forcément logique. Jamais un mécaniste ne dira que les principes de la physique ont d’abord été des propositions absurdes et contradictoires et répugné à la raison, assertion que l’on rencontre parfois chez les philo-


    pose n’est rien autre qu’une extension conforme à cette premiers application, du même principe : réduire le représentable à l’intelligible, le réel et la pensée, s’impliquent absolument : on dirait aujourd’hui l’expérience et le rationnel. Quel bout que l’on tienne, on est sûr de pouvoir suivre la chaîne, et la méthode consiste à savoir la remonter et la redescendre en analysant le représentable, pour arriver aux natures simples allant au-devant des causes par les effets, ou bien en synthétisant rationnellement les raisons des choses, pour retrouver les choses elles-mêmes de conséquence en conséquence. Bien entendu, il s’agit des choses, de l’objet tel que le conçoit Descartes : et quelles que soient nos appréciations personnelles de cette conception, il reste que Descartes, dans son Traité du monde et de la lumière, comme dans sa Dioptrique, comme dans les Principes, ne vise qu’à se former une conception claire et distincte du monde, à l’aide d’éléments représentables. Mieux encore, il ne distingue pas représentable et intelligible. Ce que nous disons de Descartes peut se répéter mutatis mutandis des esprits plus empiriques : Bacon ou Hobbes. Ils partent de l’autre bout de la chaîne — encore qu’on ait beaucoup exagéré l’apriorisme cartésien en matière de physique ; mais c’est la même chaîne qu’ils remontent pour ainsi dire en sens inverse. La représentation se résout chez eux en termes intelligibles et rationnels, comme avec les cartésiens, le rationnel et l’intelligible retrouvent le domaine du rcprésentable. Pour les uns comme les autres, l’intelligible se figure clairement et distinctement, et les figures et les formes sont toujours intelligibles.

    Nous voilà loin de l’attitude des critiques qui, à notre époque, se sont préoccupés de l’objectivité de la physique. La philosophie idéaliste du XIXe siècle a rompu l’unité du représentable et ae l’intelligible. Et ce n’est pas une simple coïncidence historique si les sceptiques à l’égard de la physique se présentent surtout parmi ceux qui se sont nourris de cette philosophie idéaliste, et en forment comme l’extrême aboutissant.