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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

nous puissions reconstruire expérimentalement, réellement, les phénomènes physiques, sans qu’il soit besoin de faire appel à d’autres principes, et quand, d’autre part, l’analyse de ces éléments nous fait toujours retomber sur des éléments identiques en nature, alors nous sommes sûrs, définitivement sûrs, que l’expérience nous a mis en face de principes objectifs. Les progrès de la physique pourront, dans les phénomènes qu’on ne peut encore dériver de ces principes, en découvrir de nouveaux ; mais les anciens sont désormais hors de contestation dans leur cercle d’application.

En résumé, les données objectives qui se suffisent empiriquement à elles-mêmes et sont les conditions nécessaires et suffisantes de l’explication d’un groupe de phénomènes, voilà en quoi consistent, et à quoi on reconnaît les principes nécessaires et fondamentaux d’une théorie physique.

11. — Aussi ne doit-on pas s’étonner de trouver dans les exposés mécanistes des formules telles que celles-ci : « Quand nous avons atteint telle représentation, nous voyons que nous ne pouvons aller plus loin et remonter à quelque autre principe d’explication. » Maxwell dira par exemple[1] : « Quand nous avons acquis la notion de la matière en mouvement…, nous sommes incapables d’aller plus loin et de concevoir qu’une addition quelconque, possible à nos connaissances, puisse expliquer l’énergie du mouvement », ces formules ne marquent nullement un retour à on ne sait quelle intuition cartésienne, quelle « nature simple, » ou quelle catégorie a priori de l’entendement. Elles sont simplement des constatations expérimentales, et si on veut bien les entendre, il faut se débarrasser de tout bagage conceplualiste. Là où le mot conception est employé, il faut donner à ce mot une signification sensible et lire représentation empirique. Et tout s’éclaire alors et devient cohérent. L’expérience nous met en face d’une représentation indécomposable. Le mouvement peut être décomposé en mouvements : il ne peut l’être en autre chose que lui-même. L’expérience derrière le mouvement ne

  1. La Chaleur, p. 386.