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ET INTÉRÊTS DIVERS QU’IL PRÉSENTE.

certitude rigoureuse, elle se mêle à la philosophie et peu à peu se fond en elle, souvent par des transitions à peine sensibles.

La philosophie, au lieu de fournir du dehors et d’en haut des explications qui toujours risquent d’être incompétentes, des jugements de valeur a priori, n’a-t-elle pas alors, si elle veut conserver son importance, à utiliser toute la riche documentation que lui fournit la science, à la suivre d’abord et à la continuer ensuite ? De même qu’elle peut établir une théorie intéressante et nécessaire des choses en synthétisant d’une façon critique les plus hautes généralités auxquelles s’élèvent les hypothèses scientifiques et en en exprimant l’esprit, en en cherchant les conditions et le terme, de même, dans le domaine de la connaissance, elle a sa tâche utile et nécessaire en reprenant d’un point de vue synthétique et critique les réflexions des savants sur leurs méthodes, en remontant aux caractères, aux conditions, aux principes de l’esprit scientifique. Par cette double tâche, dans chacune desquelles elle obéira à sa double nécessité, synthétique et critique, elle contribuera à créer, à entretenir et à purifier cette atmosphère, sans laquelle la science ne peut vivre et progresser, et qui, dès qu’elle est troublée trop violemment par un esprit contraire ou même indifférent à l’esprit scientifique, laisse la science péricliter. La philosophie est surtout la défense et l’exaltation de l’esprit scientifique : tâche périlleuse et grave de conséquences, car il s’agit en somme de la civilisation, telle qu’elle s’est développée dans le monde gréco-latin, puis dans l’Europe occidentale, depuis la fin du moyen âge.

2. — Cette conception de la philosophie peut au premier abord paraître étroite et sectaire, en tout cas fort partiale. Ne supprime-t-elle pas le libre examen, n’accepte-t-elle pas un principe d’autorité : la science ? N’érige-t-elle pas en dogme la foi dans la science ? Il me semble que oui, mais il me semble qu’aussi, à y bien réfléchir, on est forcé, avec Renan, d’admettre que la science seule peut fonder aujourd’hui une croyance et imposer une loi. La philosophie ne peut avoir d’autre tâche que l’unification et la critique