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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

8. — Il n’en reste pas moins que le mécanisme admet très bien un progrès continu dans la synthèse mécanisie, par suite de réformes importantes dans cette synthèse. La mécanique de Descartes et de Huyghens n’est pas celle de Leibnitz ; celle de Leibnitz n’est pas celle de Newton et de Lagrange, la mécanique de Reech, de Hertz ou de Kirchhoff n’est pas sans doute la mécanique de demain, elle n’était pas davantage celle d’hier ; seulement la mécanique de Leibniz ou de Newton continue celle de Descartes et de Huyghens et procède de même façon, avec les mêmes tendances, la même méthode, le même but ; il en est de même pour la mécanique d’aujourd’hui à l’égard de celle du XVIIIe siècle. Il en sera de même pour la mécanique de demain. Et comment ces progrès se sont-ils accomplis ? Par les nécessités de l’expérience physique surtout, qui chaque jour étendait le champ de la mécanique en lui apportant les modifications nécessaires. Le mécanisme est une extension de la mécanique à la physique ; mais comme si dans le domaine de la science s’appliquait aussi le principe de l’action et de la réaction, la physique a à son tour une répercussion sur la mécanique. L’unité de la nature l’exige. La physique reste une promotion de la mécanique, mais dire qu’elle est une promotion de la mécanique ne signifie pas qu’elle soit absorbée et qu’elle disparaisse dans la mécanique ; cela signifie qu’elle là continue et qu’elle évolue comme elle et avec elle[1].

9. — Une expérience ultérieure pourra bien nous révéler un élément nouveau ou une propriété nouvelle, nécessiter l’addition d’un principe nouveau, comme cela s’est vu dans la seconde moitié du xixe siècle avec la thermodynamique et même faire d’un principe, considéré jusque-là comme fondamental, un principe secondaire et dérivé (par exemple le principe de l’inertie de la matière, dans les nouvelles extensions de la représentation électronique). Mais elle laissera intacts dans leur cercle d’application, telle que l’a déterminée l’expérience, c’est-à-dire dans leur portée et leur

  1. Perrin : Traité de Chimie physique, t. I, Préface, p. XI.