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CONTINUATEURS DU MÉCANISME, HYPOTHÈSES FIGURATIVES.

dans sa première regula philosphandi, il énonce nettement que tout principe doit être une vraie cause, ou en dériver : une vraie cause, c’est-à-dire une chose réelle, une donnée de l’expérience, un fait naturel, et non une vue de l’esprit, une définition décrétée. Jusqu’à ce que l’expérience ait donné intégralement la vraie cause, et que le principe ne soit plus que la formule directe de cette expérience, il n’y a pas de principe, il n’y a qu’une généralisation hypothétique comme toutes les autres lois scientifiques, une généralisation révisable. Au contraire, que l’expérience manifeste un rapport constant, et quand bien même nous n’en comprendrions pas la raison dernière[1], le pourquoi, quand bien même ce rapport paraît être étrange à notre raison, voire contradictoire avec nos habitudes ordinaires de pensée, il faut l’admettre. L’esprit n’a pas à construire un monde intelligible. Il a seulement à constater le monde qui est.

Ces vues n’ont pas varié de Newton à Berthelot. Chez le chimiste moderne, nous trouvons comme chez le physicien de la fin du xviie siècle, chaque fois qu’il parle de l’esprit scientifique, qui d’après lui doit régner dans le domaine physico-chimique, ce sens profond du réel, de la chose, dont toute proposition scientifique est inséparable.

« La science positive… procède en établissant des faits et en les rattachant les uns aux autres par des relations immédiates. C’est la chaîne de ces relations, chaque jour étendue plus loin par les efforts de l’intelligence humaine, qui constitue la science positive. Il est facile de montrer dans quelques exemples comment, en partant des faits les plus vulgaires, de ceux qui font l’objet de l’observation journalière, la science s’élève, par une suite de pourquoi sans cesse résolus et sans cesse renaissants, jusqu’aux notions générales qui représentent l’explication commune d’un nombre immense de phénomènes[2]. »

  1. Par exemple, dans la loi de l’attraction universelle, telle que la comprend Newton.
  2. Berthelot, Lettre à Renan, in Dialogues philosophiques de Renan, 3e édit., 1856.