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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

raisonnement et du concept purs. On ne peut s’empêcher ici de songer au mot si connu de Newton : « Hypothèses non fingo » ; et de le rapprocher de son autre formule : « Physique, garde-toi de la métaphysique. » Il ne faut pas donner accès dans la science aux conceptions de l’esprit qui n’ont pas dans l’expérience un point d’appui. L’expérience doit être conduite pour nous révéler l’objet, comme le bain photographique révèle l’image. L’esprit n’a qu’un rôle à jouer : refléter, sans modifier, sans ajouter.

Il résulte de cette analyse que les principes fondamentaux de la science sont des lois naturelles tirées telles quelles de l’expérience, non point sans travail de l’esprit, sans hypothèses préalables, mais sans travail modificateur, sans hypothèses permanentes. Ils sont semblables en nature à toute autre loi empirique. Ils ne s’en distinguent que parce qu’ils s’étendent à toute la physique, autrement dit que la considération d’un phénomène physique nécessite toujours un appel fait à quelques-uns d’entre eux. Ils sont simplement les plus vastes des généralisations qui constituent la science. Comme la loi empirique, le principe est l’expression d’un fait qui se répète dans tout un groupe ; l’expérience qui impose sa généralisation lui impose aussi ses limites et même, s’il y a lieu, ses modifications, en devenant plus précise, plus adéquate, ou plus complète. La mécanique de Newton, dans l’esprit de son auteur, repose sur des principes de ce genre ; et elle est une illustration excellente de ce que le mécanisme entend par explication scientifique : « Dire que chaque espèce de chose est douée d’une qualité scientifique occulte par laquelle elle agit et produit des effets manifestes, c’est ne rien dire. Mais exprimer deux ou trois principes généraux du mouvement, tirés des phénomènes, et ensuite montrer comment les propriétés et actions de toutes les choses matérielles découlent de ces principes manifestes, ce serait faire un grand pas en philosophie (i. e. en physique) quand même les causes de ces principes ne seraient pas encore découvertes[1] ». Et

  1. Optique, p. 377.