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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

chologues proclament le pouvoir créateur de l’esprit dans la généralisation ? Ce pouvoir créateur, les théories précédentes admettaient toutes, et la philosophie contemporaine souvent encore renchérit sur elles, qu’il subsiste sans frein dans les généralisations physiques. Le mécanisme s’inscrirait en faux contre cette assertion, non qu’il nie le pouvoir créateur de l’esprit et son usage légitime dans la conception des hypothèses et dans les essais de généralisation. Mais il nie qu’il y en ait encore trace et qu’il existe le moindre arbitraire créateur, lorsque l’hypothèse est vérifiée et que la généralisation a pris rang parmi les propositions scientifiques. Le pouvoir créateur, le décret conventionnel de l’esprit, s’exerce pour forger les hypothèses, les fausses comme les vraies, et un très grand nombre de fausses pour un très petit nombre de vraies. Mais ces hypothèses n’ont point droit d’entrée dans la science. Elles font partie des artifices préparatoires de la méthode ; elles peuvent donc être artificielles. Dans la physique proprement dite, sous quelque forme qu’on essaye de le faire intervenir : définition, principe d’épargne, construction logique, l’artificiel n’a point de place ; c’est un échafaudage qui doit disparaître dès que la construction est assez avancée pour se tenir sans lui. Dans cette construction, il n’est pas un moellon, il n’est pas une pièce de charpente qui ne soient imposés par l’expérience. La généralisation ne peut donc être qu’une donnée expérimentale et singulière qu’on retrouve identique dans un groupe plus ou moins large de phénomènes. C’est une donnée réelle qui se répète dans un certain nombre de circonstances. À proprement parler, il n’y a pas généralisation, extension par l’esprit d’une relation et adaptation de cette relation à des cas nouveaux. Il y a une série d’observations uniformes qui s’ajoutent, parce que la nature physique telle que nous la révèle l’expérience est composée d’éléments identiques.

5. — Cette nécessité pour la généralisation scientifique d’être un décalque de l’expérience et de n’être que cela, est si nettement dans l’esprit mécaniste, que le mécanisme n’hésite pas, comme on le verra, à formuler des hypo-