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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

Comte. Toute hypothèse doit être proscrite si une de ses conséquences est infirmée par l’expérience, ou si elle n’est pas elle-même vérifiable par l’expérience. Lorsque l’hypothèse n’est pas vérifiable directement dans son intégrité, elle doit l’être par quelques-unes de ses conséquences. La tâche immédiate du physicien quand il formule une hypothèse, est de chercher les moyens expérimentaux de la vérifier ; et si manifestement l’état actuel des connaissances et des moyens d’action sur les phénomènes physiques ne permet pas d’entrevoir la possibilité d’un procédé expérimental de vérification, il doit, ou rejeter son hypothèse, ou chercher quelqu’une de ses conséquences, qui ne puisse être vérifiée que si l’hypothèse, en elle-même invérifiable, est vraie. L’expérience qui vérifiera cette conséquence lorsqu’elle existe, apporte en quelque sorte la garantie qu’une science plus avancée pourra vérifier l’hypothèse elle-même. En tout cas, elle est un haut témoignage en faveur de la plausibilité de cette hypothèse, puisque l’on prend pour accordé que la conséquence vérifiée n’est elle-même possible que dans l’hypothèse en question.

2. — Que l’hypothèse intégralement et directement soit vérifiable, ou qu’une de ses conséquences nécessaires, impossible elle-même dans toute autre hypothèse, le soit et permette ainsi par un choc en retour de poser comme certaine la vérificabilité de l’hypothèse, dans les deux cas une expérience peut être instituée, qui décide de l’admission ou du rejet de l’hypothèse. Cette expérience est ce qu’on appelle, depuis Bacon, une expérience cruciale.

L’existence d’une expérience cruciale, ou tout au moins la possibilité de prévoir une expérience cruciale dans le domaine de la physique, est éminemment caractéristique du mécanisme. Cette existence ou cette possibilité montrent que la théorie et l’expérience n’existent pas l’une sans l’autre, qu’elles ont une relation nécessaire, analytique, Ce n’est pas en fait que se pose d’abord l’accord de la théorie et de l’expérience ; c’est en droit que la théorie sort de l’expérience et y retourne, et que telle expérience entraîne telle théorie, ou telle théorie, telle expérience. Il y a là une