l’on a toujours établie entre méthode inductive et méthode expérimentale marque bien cette fusion intime, cette unité qui longtemps mêlèrent physique expérimentale et physique théorique. Mais la théorie ayant besoin d’un langage précis, en alla chercher le modèle dans le langage précis de la mathématique. La théorie, par la force même des progrès de la science, devenant chaque jour plus abstraite, plus conceptuelle dans ses généralisations successives, se trouva rapprochée naturellement par sa forme, son allure générale, de la mathématique. La physique théorique devint la physique mathématique. Dans cette transformation, elte ne perdit pas immédiatement contact avec la réalité expérimentale. Avec les Newton, les Lagrange, les Laplace, les Poisson, avec le mécanisme du xviiie siècle et de la première moitié du xixe siècle, avec la période déductive, pour employer la terminologie de Mach, les éléments de la théorie mathématique restaient empruntés directement à l’expérience. C’étaient des données expérimentales ou soi-disant telles. En tout cas, on se les représentait comme des éléments réels, des choses, des faits. La théorie quoique formulée mathématiquement restait inductive dans son développement général. Elle procédait par déduction, c’est vrai, mais par déduction généralisatrice, par généralisation progressive. On ne déduisait pas, comme dans l’énergétique, en particularisant une formule générale primitive. On composait, au contraire, de proche en proche, les cas complexes avec les cas plus simples ; on construisait le complexe, en le tirant du plus simple, à peu près comme la géométrie synthétique d’Euclide forme ses notions complexes par une construction dont tous les éléments sont tirés des notions plus simples. Ainsi procède encore l’analyse moderne quand par généralisations progressives, et pourtant déductives, elle se construit sur l’unique notion du nombre entier.
Les éléments de la théorie, ses fondements, restaient donc des données réelles et objectives, et conféraient par suite leur objectivité à toute la construction dont ils étaient l’unique matériel.
