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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

à eux, d’imaginer pour les retrouver une analyse embarrassée et difficile.

Bien qu’ils veuillent être avant tout objectifs, lorsqu’ils s’appliquent ensuite à la physique, bien qu’ils cherchent à prendre et à garder pied dans le réel, ils restent hantés par les coutumes antérieures. Et jusque dans la conception énergétique qui a voulu construire plus solidement et avec moins d’hypothèses que le mécanisme, qui a cherché à décalquer l’univers sensible et non à le reconstruire, on a toujours affaire à des théories de mathématiciens, ou tout au moins à des théories fondées pour donner raison aux critiques adressées par les mathématiciens. Ils ont tout fait pour sauver l’objectivité sans laquelle ils comprennent très bien qu’on ne peut parler de physique. Leur subtilité et leur ingéniosité logiques y sont parvenus théoriquement. Mais les complications ou les détours de leurs théories laissent pourtant un malaise. Cela est trop fait ; cela a été cherché, édifié ; un expérimentateur n’y sent pas la confiance spontanée que le contact continuel avec la réalité physique lui en donne en ses propres vues. On reconnaîtra toujours que l’inspiration mathématique a passé par là.

5. — Voilà ce que disent en substance — et ils sont légion, — tous les physiciens qui sont avant tout physiciens ou ne sont que cela, et toute l’école mécaniste. Si une cme de la physique a semblé se produire dans ces derniers temps, si la tradition que l’on suivait depuis la Renaissance a paru devoir être rompue partiellement ou même totalement, surtout pour ceux qui voyaient les choses de très loin et d’un point de vue très extérieur, si, en tout cas, le mécanisme a été critiqué et battu en brèche alors que jusque-là il formait comme l’atmosphère nécessaire à la vie de la science physique, il n’est pas besoin d’aller en chercher ailleurs la cause et l’explication. Elle est dans la conquête du domaine de la physique par l’esprit mathématique. Les progrès de la physique, d’une part, et les progrès de la mathématique, d’autre part, ont amené au XIXe siècle une fusion étroite entre ces deux sciences. La physique a posé à la mathématique la plupart des pro-