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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

en dernière analyse, une formule figurative. Pour résumer : en partant du mouvement et des notions qu’il suggère, c’est-à-dire des notions dont la mécanique a commencé l’étude, et en les compliquant convenablement, on doit arriver à représenter l’objet de la physique dans sa totalité. Continuité des phénomènes physiques et des phénomènes mécaniques, par suite entière représentabilité des phénomènes physiques à l’aide du mouvement, cinétisme, dans toute l’ampleur étymologique du terme : voilà les caractères de la physique classique, de la physique depuis la Renaissance, de l’esprit de la presque totalité des physiciens et des chimistes contemporains.

4. — Il faut remarquer, en effet, que les critiques qui, tout en laissant debout d’une manière ou d’une autre l’objectivité des lois physico-chimiques, attaquaient l’objectivité des schèmes mécanistes, ont été surtout des mathématiciens ou des mécaniciens, c’est-à-dire étant donné l’état actuçl de la mécanique, encore des mathématiciens. Ceux qui, parmi ces critiques, pourraient prétendre par certains de leurs travaux au titre de physiciens, ont fait à peu près uniquement de la physique mathématique, c’est-à-dire ont cherché la possibilité d’une théorie mathématique des phénomènes physiques. Il semble qu’à traiter d’ordinaire d’une science où l’objet, au moins en apparence, est créé par l’esprit du savant, où, en tout cas, les phénomènes concrets n’ont plus à intervenir dans la recherche, on se soit fait de la science physique une conception trop abstraite : on a cherché à la rapprocher toujours plus près de la mathématique, et on a transposé une conception générale de la mathématique dans une conception générale de la physique. Presque constamment, on a le sentiment d’une extension hors de ses limites propres, d’une extension par conséquent exagérée, sinon illicite, de l’idée qu’on a de la mathématique, à l’idée qu’on se fait de la physique. La physique ne ressemble-t-elle pas alors à ce que l’on voudrait qu’elle fût, ou à ce que l’on croit qu’elle est ? et non à ce qu’elle est ? C’est ce que répondraient, c’est, on va le voir, ce que répondent en fait,