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CONTINUATEURS DU MÉCANISME, HYPOTHÈSES FIGURATIVES.

tour, comme le contenu de la physique lui-même, au fur et à mesure des découvertes qu’il créait. C’est cette histoire et cette évolution qu’il importe maintenant de retracer dans ses grandes lignes.

2. — Kirchoff disait dans son ouvrage : Über das Ziel der Naturwissenschaften (le but des sciences de la nature), en 1865, que les sciences de la nature visent un but qu’elles n’atteindront peut-être jamais : déterminer à un moment donné, en grandeur et direction toutes les forces présentes dans la nature, et l’état de la matière. Tous les phénomènes passés et à venir, l’histoire de l’univers, s’en pourraient alors déduire avec rigueur. En un mot, Kirchoff proposait comme but à la science de la nature : sa réduction à la’ mécanique ; former un système dont les principes de la mécanique seraient la base[1].

À peu près à la même époque (1869), Hemholtz proclamait que la tendance générale des sciences de la nature, leur fin essentielle et propre, est de trouver les mouvements auxquels se ramènent tous les autres changements. Elles doivent peu à peu se fonder sur la mécanique et seulement sur la mécanique[2].

Ces deux déclarations sont significatives, parce qu’on ne peut pas accuser Kirchoff et Helmholtz d’intransigeance mécaniste. Bien au contraire, ils ont toujours critiqué avec scrupule les fondements de la mécanique et de la physique, et accueilli avec complaisance les attaques contre le mécanisme atomique. Mais ces témoignages sont d’autant plus probants que tout en faisant leurs la plupart des attaques contre le mécanisme traditionnel, ils ont cru pouvoir y remédier sans rompre avec la tradition mécaniste, mais simplement en l’élargissant, et en la faisant progresser dans sa voie normale. C’est à un mécanisme entendu dans un sens plus souple, plus phénoméniste, plus théorique, qu’ils appellent d’un mécanisme jugé insuffisant et trop métaphysique, trop réaliste.

  1. Kirchhoff, Über das Ziel der Naturwissenschaften, passim., tr. fr., p. 9 et 23 sq.
  2. Helmholtz, Populärwiss. Vorl. vol. I, p. 92 sq.