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CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE SIMPLEMENT CRITIQUE.

mode (au sens que Poincaré a donné à ce mot). La physique est donc de tout ce que nous sentons, percevons, connaissons, ce qu’il y a de plus objectif[1].

Son objectivité est précisément la même que « notre croyance aux objets extérieurs ». « Ces derniers sont réels en ce que les sensations qu’ils nous font éprouver nous apparaissent comme unies entre elles par je ne sais quel ciment indestructible et non par un hasard d’un jour. De même la science nous révèle entre les phénomènes d’autres liens plus ténus mais non moins solides. Ce sont des fils si déliés qu’ils sont restés longtemps inaperçus, mais dès qu’on les a remarqués, il n’y a plus moyen de ne pas les voir ; ils ne sont donc pas moins réels que ceux qui donnent leur réalité aux objets extérieurs. Peu importe qu’ils soient plus récemment connus puisque les uns ne doivent pas périr avant les autres[2]. »

« En résumé, la seule réalité objective, ce sont les rapports des choses d’où résulte l’harmonie universelle. Sans doute ces rapports, cette harmonie ne sauraient être conçus en dehors d’un esprit qui les conçoit ou qui les sent. Mais ils sont néanmoins objectifs parce qu’ils sont, deviendront ou resteront communs à tous les êtres pensants[3] ».

« D’ailleurs, tout ce qui n’est pas pensée est le pur néant ; puisque nous ne pouvons penser que la pensée et que tous les mots dont nous disposons pour parler des choses ne peuvent exprimer que des pensées ; dire qu’il y a autre chose que la pensée, c’est donc une affirmation qui ne peut avoir de sens.

« Et cependant — étrange contradiction pour ceux qui croient au temps — l’histoire géologique nous montre que la vie n’est qu’un court épisode entre deux éternités de mort, et que, dans cet épisode même, la pensée consciente n’a duré et ne durera qu’un moment. La pensée n’est qu’un éclair au milieu d’une longue nuit. Mais c’est cet éclair qui est tout[4]. »

  1. Revue de Métaphysique, mai 1902, p. 290.
  2. Id., p. 292.
  3. Valeur de la science, p. 271.
  4. Id., p. 275.