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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

groupes par leurs similitudes. Dans chaque groupe, ce que l’on a dit d’un phénomène pourra se répéter identiquement de tous les autres : ce sera la formule d’une loi naturelle, d’une relation constante et réelle. Cette classification naturelle, fin de la science, et dont Poincaré a donné avant Duhem l’indication, est bien, non seulement un instrument de description exacte, mais encore une explication, au sens humain du mot explication : elle permet de prédire à partir de certains phénomènes d’autres phénomènes ; elle déduit les phénomènes les uns des autres, grâce à des formules de réduction. Elle est la preuve qu’il y a de la nécessité dans la nature et que les lois physiques ne sont pas contingentes. Ce déterminisme physique nous amène directement à l’objectivité de la physique[1].

Qu’entend-on, en effet, par objectif et par objet ? On entend précisément par le premier mot ce qui se rapporte à des relations entre les phénomènes, et par le second ces relations elles-mêmes. Est subjectif, apparent, illusoire, tout ce que les phénomènes (c’est-à-dire les combinaisons complexes de sensations qui composent nos perceptions) ont de fuyant, d’insaisissable, de qualitatif, de purement individuel, ce qui est intransmissible d’un sujet à l’autre, ce qu’un autre sujet ne verra point comme le premier l’aura vu. L’objet, au contraire, c’est ce que tous les sujets percevront de même, les rapports universels, indépendants des nuances indéfinissables dont les revêtent les imaginations de chacun.

Mais la physique repose, dans l’analyse que l’on vient de suivre jusqu’à son terme, sur ces rapports : elle en est l’énoncé dans la langue la plus claire, la plus intelligible, ce qui veut dire la plus aisée à transmettre, la plus com-

  1. Id., p. 287. Poincaré cherche (p. 281 à 288) les divers sens du mot contingent, et ce qu’il faut entendre par nécessaire. De ce fait que les physiciens, bien qu’admettant que toute loi n’est qu’approchée, constatent que la loi approche de plus en plus, et que la nature est constituée par des faits qui se répètent à peu près identiquement, par des relations, des séquences semblables, il conclut que la nature physique constitue un déterminisme et que les lois physiques sont nécessaires.