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CHAPITRE IV


Conclusions relatives à l’école critique


1. La valeur objective de la science. — 2. Le maintien de l’esprit traditionnel de la physique moderne, en écartant simplement la valeur ontologique des théories physiques. — 3. La réalité des rapports et le règne de la quantité. — 4. Vue d’ensemble.


1. — Que ressort-il en définitive de cette analyse d’une œuvre que le scepticisme concernant la valeur objective de la science a si souvent revendiquée comme sienne et que l’on a opposée constamment à la physique classique ? Il en ressort, ce semble, sous les divergences superficielles rendues nécessaires par l’originalité individuelle, un accord profond avec l’esprit traditionnel de la science moderne. La science ne s’émiette pas, ne se disperse pas, chaque savant poursuivant sa chimère, mais elle continue son développement harmonieux sur la même route, malgré ses détours. La science n’est pas une œuvre d’art et d’imagination ; elle est une œuvre collective et dont le développement présente au plus haut degré les caractères de la continuité.

Comme la physique traditionnelle, celle de Poincaré, postule la continuité de l’expérience et de la théorie : la théorie, c’est avant tout l’expérience généralisée. Ce postulat repose en dernière analyse sur une croyance commune dans l’unité de la nature. Cette croyance n’est pas identique à celle que l’on rencontre dans le mécanisme du xviiie siècle, qui invoquait la simplicité de la loi de Mariette comme un argument en faveur de son exactitude. Mais elle résulte de la réussite, de la prédiction et de la généralisation[1]. Si la nature en elle-même n’est point simple, grûce à la loi des grands nombres et des moyennes, aux quantités négligeables, nous pouvons sans danger faire

  1. Science et hypothèse, p. 172, 176.