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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

11. — Les principes de la mécanique et de la physique ont donc « une très haute valeur, ils représentent comme la quintessence d’innombrables observations ». Mais de leur élaboration même en principes, résulte a qu’ils ne peuvent plus ne pas être vérifiés[1] ».

Ils affirment un rapport réel, une parenté véritable entre un ensemble très vaste de phénomènes ; ils permettent d’ordonner théoriquement et d’expliquer, les uns par les autres, les éléments de cet ensemble, et pourtant ils ne peuvent pas être mis en défaut par quelque expérience que ce soit. Ils sont « assurés d’avance d’être vérifiés dans l’acception stricte du mot[2] ».

La physique classique ne trouverait rien à redire à cette conception de Poincaré. Certes, elle différerait d’avis sur la nature des principes ; mais nullement sur leur validité et leur rôle.

Si la théorie de Poincaré se sépare logiquement par un abîme infranchissable d’une interprétation ontologique du mécanisme, si elle est propre à étayer un idéalisme philosophique, du moins sur le terrain scientifique elle concorde très bien avec l’évolution générale des idées classiques, et la tendance à considérer la physique comme un savoir objectif, aussi objectif que l’expérience, c’est-à-dire les sensations dont elle émane.

12. — Plus d’un lecteur de Poincaré demandera peut-être ici : Quels avantages donne cette transformation de la loi expérimentale en principe conventionnel ? Qu’elle y gagne en intelligibilité, en logique, cela se conçoit encore ; mais qu’elle n’y perde point en objectivité, en solidité, cela ne se comprend plus. Ne semble-t-il pas qu’on introduise au contraire par là, la contingence, l’appréciation subjective, la mobilité, le doute ?

De telles objections montreraient, je crois, qu’on n’a pas très bien entendu ce que Poincaré a voulu dire, et qu’on ne saisit pas l’exacte portée du principe physique. Voici une loi expérimentale : la conservation de la masse. On l’a

  1. D’après Poincaré, Science et hypothèse, p. 195.
  2. Id., p. 196.