Reste une objection grave. Ce travail que l’on a fait à propos Se lois très générales, ne pourrait-il être fait à propos de toutes les propositions de la physique expérimentale, et ne pourrait-on alors transformer la physique en une science a priori, créée tout entière par le savant, et semblable en tout et pour tout à la théorie physique telle que la conçoivent Duhem et l’école résolument antimécaniste ? Poincaré ne rend-il pas par ce côté, tout ce qu’il retirait jusqu’ici à la critique sécessionniste ?
A priori, rien ne s’opposerait à une interprétation de ce genre. Poincaré la déclare pourtant inacceptable, par une double argumentation. D’abord la transformation des lois empiriques en principes laisse subsister les lois empiriques comme premières conséquences de ces principes[1]. Ensuite, là où la transformation est possible, elle ne se fait que lorsqu’elle est commode.
Le premier point va presque de soi. Une loi empirique ne se transforme en principe qu’en dédoublant la relation qu’elle exprime, grâce à un moyen ferme qui vient s’y surajouter. À côté donc du principe coexiste, et coexiste toujours nécessairement, dans la physique, une loi empirique. Le principe n’abolit pas la loi empirique, il s’y superpose. La physique théorique ne se substitue pas à la physique expérimentale, elle s’y ajoute, la prolonge et la continue. Poincaré reste parfaitement logique avec tout ce qu’il a exposé jusqu’ici et on retrouve facilement sur le point actuel ses conclusions antérieures.
8. — Mais il y a plus, la décomposition d’une relation empirique en un principe et une loi révisable, ne se fait que lorsqu’elle est commode. Et par ce mot « commode », il ne faut pas croire que Poincaré laisse beaucoup à l’arbitraire du savant et à sa liberté. Il faut encore prévenir ici de nombreux contre-sens qui viennent du langage, des expressions que Poincaré emploie pour mieux caractériser son attitude. « Commode » prend dans le langage scientifique un sens bien différent du sens qu’il a dans le lan-
- ↑ Id., p. 276.
