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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

fois de la physique, c’est-à-dire de la science expérimentale et de la mathématique, du réel et de la convention, de l’expérience et de la logique. Et voilà pourquoi aussi on verra plus loin, en examinant la validité des principes, qu’elle est un système cohérent, fécond, utile. Pour s’en tenir, en ce moment, à l’étude de leur nature, on peut conclure : les principes, si l’on considère leur formation, sortent de l’expérience ; si l’on considère leur rôle, ils la dépassent. La nature des principes de la physique a beaucoup d’analogie avec celle des jugements synthétiques a priori qui, pour Kant, rendent la physique possible. Les catégories transcendantes à l’expérience comme lois de l’entendement ne dirigeaient-elles pas d’une façon immanente le sourd travail de l’imagination ?

7. — En décrivant, dans le détail, la genèse des principes, Poincaré montre comment se concilient psychologiquement ces deux caractères en apparence contradiotoires, comment se réalise cette double nature L’invention d*un prîncipe est toujours réductible à un même procédé essentiel et élémentaire. La loi empirique énonçait une relation entre deux phénomènes réels. L’esprit introduit entre ces deux phénomènes réels un intermédiaire abstrait, défini par lui. Nous avons alofs une double relation entre chacun des phénomènes réels et cet intermédiaire abstrait. L’une de ces relations sera décrétée comme principe, et l’autre restera une loi révisable. La première pourra être considérée comme indéfiniment possible, sans aucune restriction, par suite comme immuable, définitive, hors du domaine de la revision et du doute, car on pourra toujours modifier la seconde de façon qu’elle satisfasse à la première, et soit cohérente avec elle. L’expérience nous dictera ces dernières modifications[1].

« Le principe, désormais cristallisé, pour ainsi dire, n’est plus soumis au contrôle de l’expérience. Il n’est pas vrai ou faux, il est commode ». Il n’est pas objectif, il est pratique.

  1. Poincaré, Sur la valeur de la Science (Revue de Métaphysique, mai 1902, p. 275, 276).