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CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE SIMPLEMENT CRITIQUE.

n’en diffère que par le degré de généralité. Il peut, par conséquent, toujours être infirmé ou vérifié par l’expérience. Et chaque expérience nouvelle qui ne l’infirme pas en est une vérification indirecte, par voie de conséquence ; c’est une preuve nouvelle de sa validité, de sa vérité objective, de sa réalité. Or, sur ce point et c’est le seul où la différence soit vraiment importante entre Poincaré et le mécanisme actuel, l’interprétation de Poincaré est tout autre. Mais qu’on n’aille pas s’y méprendre, c’est l’interprétation seule qui diffère. Au contraire, en ce qui concerne la validité des principes et leur contenu, il concède ce que le mécanisme le plus intransigeant pourrait demander ; il admet l’impossibilité de se passer des principes sur lesquels le mécanisme a appuyé toutes ses constructions, et l’impossibilité d’en infirmer jamais la validité quelles que soient les expériences futures.

Pour Poincaré, le problème posé par les principes constitutifs de la physique théorique est donc double : quelle est la nature de ces principes, quelle est leur validité ? Sur le premier point la solution sera différente de celle du mécanisme, mais, sur le second les conclusions pratiques reviendront absolument au même : elles assureront d’une façon solide le développement de la physique, dans la voie où elle s’est engagée depuis la Renaissance.

4. — Poincaré a été conduit, je crois, à ses idées, touchant la nature des principes fondamentaux de la physique théorique, par sa critique des mathématiques. Il faut se rappeler que la mathématique se fonde, d’après lui, sur des décrets, des conventions de l’esprit, et en aucune façon sur l’expérience. Les conventions en tirant toute leur fécondité de la puissance créatrice de l’esprit, constituent seules ces jugements synthétiques a priori, qui permettent à la mathématique de n’être pas une tautologie analytique, mais une science capable de progrès et de généralisation.

Or, la physique théorique est une physique mathématique. Si l’on s’en tenait à ce qu’il a été dit jusqu’ici, on se trouverait devant une inextricable difficulté. La physique théorique d’une part est un prolongement de l’expérience et