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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

taux. Il prétendait déduire tous les faits physiques des principes de la mécanique rationnelle, tels qu’ils étaient établis par l’école de Lagrange. Enfin, l’édifice du mécanisme traditionnel se proposait comme définitif, du moins dans ses grandes lignes ; il avait une valeur absolue. Voilà les trois points sur lesquels Poincaré fait porter sa critique. 2. — Les progrès réalisés par le mécanisme actuel lui-même, sont dus pour une assez bonne part à son influence sinon directe, au moins médiate. Les mécanistes récents voient le mécanisme à travers sa critique. Ils ne la prennent pas telle quelle, certes ; ils se l’assimilent et l’interprètent en la modifiant à leur tour, en éliminant certaines conséquences, en l’inclinant dans une voie plus particulière, plus réaliste. Au fond, c’est sur une question d’interprétation qui est sur les frontières de la conception scientifique et des conceptions philosophiques, plutôt que dans la conception scientifique elle-même, que Poincaré peut être distingué d’un physicien purement mécaniste.


I. — LA CRITIQUE DES PRINCIPES
(Les divergences avec le mécanisme classique)


3. — Le mécanisme traditionnel considère que l’on reste toujours dans le domaine du fait observable et vérifiable. Il postule dans la nature un agencement réel des faits élémentaires identique à celui de ses constructions rationnelles et théoriques. Le mécanisme sous sa forme actuelle ne conserve pas ce postulat, mais il considère que les abstractions les plus hautes, les « principes », sont des généralisations de lois que l’expérience met en évidence à l’occasion de faits particulièrement simples, de faits privilégiés. Tant que des expériences ne contrediront pas les conséquences de cette extension, on considérera les phénomènes nouveaux comme des modalités complexes du fait privilégié ; ils obéiront aux mêmes principes.

Ainsi, la tendance mécaniste suppose toujours qu’un principe est de même nature qu’une loi expérimentale. Il