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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

tion, dit-il, suppose dans une certaine mesure la croyance à l’unité et à la simplicité de la nature. » Des réserves peuvent être faites sur cette simplicité — c’est sur ce dernier point que son système s’écarte du mécanisme traditionnel, — mais, « pour l’unité il ne peut y avoir de difficulté. Si les diverses parties de l’univers n’étaient pas comme les organes d’un même corps, elles n’agiraient pas les unes sur les autres, elles s’ignoreraient mutuellement ; et nous, en particulier, nous n’en connaîtrions qu’une seule. Nous n’avons donc pas à nous demander si la nature est une, mais comment elle est une[1]. »

Cette affirmation énergique de l’unité de la nature, qui permet de relier par une théorie générale une série indéfinie d’expériences particulières, reste là clef de voûte des sciences physico-chimiques. Si l’unité simpliste du mécanisme traditionnel a été bouleversée, à chaque découverte, on n’en est pas moins forcé de conclure :

« Tout compte fait, on s’est rapproché de l’unité ; on n’a pas été aussi vite qu’on l’espérait il y a cinquante ans, on n’a pas toujours pris le chemin prévu ; mais en définitive, on a gagné beaucoup de terrain[2] ».

8. — Analysons d’un peu plus près cette unité systématique de la nature. Là encore, nous arrivons à des conclusions qui rentrent d’une façon remarquable dans l’esprit traditionnel.

La différence est dans la façon d’exprimer les choses, dans le relativisme des expressions, mais l’assiette de la théorie, les grandes lignes de la structure restent semblables.

Pour Poincaré, comme pour le mécaniste, la matière du physicien implique une certaine homogénéité. Ce n’est pas l’homogénéité simple et absolue que la mathématique réclame de son objet, mais elle s’en rapproche indéfiniment comme vers sa limite naturelle.

Cette marche vers l’homogénéité explique la possibilité pour la physique de prendre la forme mathématique. Ce

  1. Poincaré, Science et hypothèse, p. 173.
  2. Id., p. 212.