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CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE SIMPLEMENT CRITIQUE.

7. — b) La physique mathématique est un prolongement nécessaire de la physique expérimentale.

La partie expérimentale de la physique dirige déjà la partie théorique. L’hypothèse généralisatrice est implicitement contenue dans l’expérience, puisqu’elle en doit sortir. La « bonne » expérience est celle qui la prépare, la rend en quelque sorte inévitable, la fait surgir d’une façon nécessaire[1].

Il n’y a pas d’expérience cruciale qui vérifie une théorie de physique mathématique[2] ; mais il y a des expériences préalables qui déterminent la généralisation dans une direction déterminée, entre plusieurs directions possibles[3]. Cette union intime de l’expérience et de la généralisation mathématique se manifeste encore par un autre biais. Jusqu’ici, on a considéré la physique expérimentale comme fournissant les prémisses de l’hypothèse théorique. Cette vue était jusqu’à un certain point artificielle. L’expérience au départ et à l’arrivée, la courbe théorique intermédiaire, n’existent que dans une méthodologie factice et schématique. Mais pratiquement la généralisation ou plutôt l’hypothèse généralisatrice, préexiste à l’expérience : ce qui fait que cette "expérience vérifie à la fois une relation de fait et par là autorise une théorie générale[4].

Poincaré, maintenant qu’il a constaté, en fait, la relation étroite de la physique expérimentale et de la physique théorique, l’explique, et ceci, de nouveau, concorde singulièrement avec les tendances mécanistes, par l’unité systématique de la nature. La conception de l’unité systématique de la nature est à la base du mécanisme. Elle n’est pas aussi nettement à la base du système de Poincaré, mais il y a, à côté de divergences incontestables, des analogies qu’on ne saurait non plus dissimuler. « Toute généralisa-

  1. Poincaré, Science et hypothèse, p. 168, 169.
  2. Et encore, Poincaré a bien soin de distinguer la « bonne » expérience qui conduit à la théorie convenable. Il admet d’ailleurs l’expérience cruciale pour établir les lois empiriques (hypothèses vérifiables).
  3. Id., p. 170.
  4. Id., p. 171.