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CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE SIMPLEMENT CRITIQUE.

met de pensée dans son travail de correction et d’élaboration, doit lui permettre de l’atteindre avec plus de précision et d’exactitude[1].

Dans la physique expérimentale, tout part donc des faits. pour y revenir. L’activifé du savant ne s’exerce que dans un domaine intermédiaire : il cherche à prévoir les faits et à formuler cette prévision le plus exactement possible : c’est là qu’il imagine ses hypothèses. Mais les hypothèses de cette classe, il ne les imagine pas librement et arbitrairement. Il a une matière qui le limite au départ ; et surtout il a une matière qui le limite à l’arrivée : il faut que son hypothèse soit vérifiée par le fait, qu’elle laisse place à une vérité féconde. On peut même dire que la matière sur laquelle il travaille, guide et limite continuellement son activité, dans le chemin qu’elle suit, depuis le point de départ jusqu’au point d’arrivée.

« L’expérience est la source unique de la vérité ; elle seule peut nous apprendre quelque chose de nouveau ; elle seule peut nous donner la certitude. Voilà deux points que nul ne peut contester. » Et en les affirmant aussi vigoureusement qu’il le fait, Poincaré reste en plein dans l’esprit scientifique traditionnel.

« Mais alors si l’expérience est tout, quelle place resterat-il pour la physique mathématique ? Qu’est-ce que la physique expérimentale a à faire d’un tel auxiliaire qui semble inutile et peut-être dangereux ?

« Et pourtant la physique mathématique existe ; elle a rendu des services indéniables, il y a là un fait qu’il est nécessaire d’expliquer[2] ».

6. — La physique n’est pas un simple recueil de lois empiriques. Elle coordonne et systématise ces lois dans des théories très vastes qui constituent le champ de la physique mathématique. Là sont utilisées des hypothèses d’un ordre tout différent de celles qu’on vient d’examiner et l’on est beaucoup plus loin des faits et de l’expérience. Il semble qu’alors la critique de Poincaré doive arriver à des conclu-

  1. Id., p. 272, 273.
  2. Poincaré, Science et hypothèse, p. 167.