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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

par elle. Il n’y a pas de mathématique objective. Après avoir passé en revue l’arithmétique, la géométrie, même la mécanique, Poincaré écrit : « En mécanique, nous serions conduits à des conclusions analogues, et nous verrions que les principes de cette science, quoique plus directement appuyés sur l’expérience, participent encore du caractère conventionnel des postulats géométriques[1]… » À plusieurs reprises, dans des articles divers et dans son ouvrage Science et hypothèse il est revenu sur cette idée que l’expérience ne joue aucun rôle dans les sciences mathématiques, pas plus dans le raisonnement par lequel elles généralisent, que dans l’objet, (la grandeur mathématique), sur lequel elles opèrent[2].

La notion de nombre est l’œuvre de l’esprit ; l’espace géométrique n’est même pas une forme, une loi a priori de l’exercice de nos sens. L’espace sensible (visuel, tactile, musculaire) est, par nature et essentiellement, différent de l’espace géométrique. Celui-ci résulte d’une définition, d’un décret de l’esprit.

Toutes les définitions géométriques sont des conventions. Les axiomes et les postulats sont des définitions déguisées. Le raisonnement par récurrence, le seul procédé d’extension des mathématiques n’est que l’affirmation d’une propriété de l’esprit qui se sait capable de concevoir la répétition indéfinie d’un même acte dès que cet acte est me fois possible. « L’esprit a de cette puissance une intuition directe et l’expérience ne peut être pour lui qu’une occasion de s’en servir et par là d’en prendre conscience[3]. »

6. — Certes, à plusieurs reprises on peut lire dans les écrits de Poincaré que l’expérience nous indique de tous les systèmes équivalents dont j’ai parlé plus haut, quel est le plus commode. Et on pourrait faire remarquer qu’il fait quand même sa part à l’expérience, et que, de ce biais, la géométrie redevient — partiellement au moins — une science expérimentale. Personne, lui dira-t-on, ne prétend qu’une science expérimentale soit le simple décalque de

  1. Id., p. 25.
  2. Id., p. 23, 24, 65, 66, 90, 92, 109.
  3. Poincaré, Science et hypothèse, p. 24.