Page:Rey - La théorie de la physique chez les physiciens contemporains, 1907.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
L’ANALYSE DES DOCTRINES.

« Dès lors à chacun des éléments que l’analyse logique lui fait découvrir en une des notions dont elle traite, elle fait correspondre non point une réalité métaphysique, mais un caractère géométrique ou algébrique du symbole qu’elle substitue à cette notion.

« À la notion de mixte par exemple elle substitue une formule chimique : l’idée d’analogie entre deux mixtes s’exprime par une suite d’égalités entre les indices qui affectent certaines lettres ; l’idée de dérivation par substitution se représente au moyen de certains traits. La dissymétrie d’une figure géométrique sert à signaler un corps doué du pouvoir rotatoire.

« Il est clair qu’entre cette représentation symbolique des données de l’expérience et une étude métaphysique des choses que nos sens perçoivent, il n’y a plus lieu d’établir aucun rapprochement ; les théories de la physique moderne sont radicalement hétérogènes à la physique péripatéticienne ; ces deux physiques ne sont liées l’une à l’autre que par l’analyse logique qui est leur point de départ commun[1]. »

Ainsi la physique, malgré sa forme conceptuelle et son parti pris de ne pas débarrasser le réel des qualités que l’expérience n’a pas réduites, reste bien, selon les ambitions cartésiennes ou leibnitiennes, et nettement contre les réactions métaphysiques de la philosophie post-kantienne, une section de la « mathémathique universelle », ainsi que les physiciens modernes l’ont tous postulé.

Elle est une province dans le royaume de la quantité, et par suite elle ne contredira pas les tentatives ininterrompues depuis la Renaissance pour étendre les conquêtes de ce royaume et pour appliquer son code fondamental : poser les rapports que manifeste l’expérience, établir une description de l’Univers qui harmonise, homogénéise les phénomènes, sinon en les identifiant, du moins en ouvrant entre eux des passages, qui permettent de les déduire les uns des autres, de les prévoir les uns par les autres, de les

  1. Duhem, Le Mixte et la combinaison chimique, p. 202, 205.