Page:Rey - La théorie de la physique chez les physiciens contemporains, 1907.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
165
LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.

périence scientifique, et les rapports vrais qu’elle révèle :

« Pour Aristote toute recherche philosophique a pour fondement une analyse logique très minutieuse, très précise des concepts que la perception a fait germer en notre intelligence ; en chaque notion il convient de mettre à nu ce qui est l’exact apport de l’expérience, ce qui constitue essentiellement cette notion, et de rejeter sévèrement les ornements parasites dont l’imagination l’a affaiblie…

« C’est par cette analyse logique préliminaire, mais c’est seulement par elle, que la physique péripatéticienne et la physique actuelle se rapprochent l’une de l’autre. Une fois cette analyse terminée, ces deux physiques se séparent et dans des voies divergentes poursuivent des objets différents.

« La physique péripatéticienne est, au sens actuel du mot, une branche de la métaphysique. Si elle distingue en chacune de nos notions physiques les éléments qui la composent, c’est afin de pénétrer plus complètement la nature de l’objet que cette notion représente ; derrière chacun des éléments mis en évidence, elle place une réalité. Lorsque par exemple elle a disséqué la notion du mixte, elle essaie de concevoir comment les matières et les formes des composants cèdent la place à la matière et à la forme du mixte, quelle relation ont entre eux les accidents et les substances de ces corps.

« La physique actuelle n’est pas une métaphysique, elle ne se propose pas de pénétrer derrière nos perceptions pour saisir l’essence et la nature intime de ces perceptions. Tout autre est son but. Elle se propose de construire, au moyens de signes empruntés à la science des nombres et à l’esthésométrie, une représentation symbolique de ce que nos sens aidés des instruments nous font connaître. Une fois construite, cette représentation se prête au raisonnement d’une manière plus aisée, plus rapide, et partant plus sûre, que les connaissances purement expérimentales qu’elle remplace. Par cet artifice la physique prend une ampleur et une précision qu’elle n’aurait pu atteindre sans revêtir cette forme schématique que l’on nomme physique théorique ou physique mathématique.