fier. Pour Duhem croyant, bien conscient de ses croyances le monde des réalités n’est pas un inconnaissable, vis-à-vis de l’univers décrit par la science. Mais il est connaissable d’une autre façon, justiciable d’autres méthodes, bien que ce genre de connaissance et ces méthodes doivent partir des résultats de la science — qu’ils ne peuvent ignorer — et procéder par analogie avec la science.
2. — D’ailleurs, il ne croit, il ne veut nullement abaisser par là l’ordre de certitude de la science. La certitude de la science n’est pas apparente, elle est partielle : la science ne nous donne pas toutes les certitudes dont notre nature est susceptible, mais elle nous donne des certitudes qui sont du même ordre que n’importe quelles certitudes. La classification naturelle, à laquelle elle tend, sera une classification réelle des objets réels, mais elle ne sera qu’une classification, et non une expltcatiori suffisante. La valeur objective de la science et de l’expérience est sauvegardée dans les mêmes termes qu’elle est sauvegardée par Mach, Ostwald ou Rankine. Duhem à aucun degré n’est agnostique ; il croît en la réalité objective de l’expérience ; mais à côté des éléments réels fournis par l’expérience, il croit à l’existence d’autres réalités.
Ses expressions sont peut-être quelquefois ambiguës :
« Esclave de la méthode positive, le physicien est semblable au prisonnier de la caverne ; les moyens de connaître dont il dispose ne lui laissent rien voir, si ce n’est une suite d’ombres qui se profilent sur la paroi opposée à son regard, mais il devine que cette théorie de silhouettes dont les couleurs s’estompent devant les yeux n’est que le simulacre d’une suite de figures solides ; et, de ces figures invisibles, il affirme l’existence par delà le mur qu’il ne peut franchir.
« Ainsi, le physicien affirme que l’ordre dans lequel il range les symboles mathématiques pour constituer la théorie physique est un reflet de plus en plus net d’un ordre ontologique suivant lequel se classent les choses inanimées. Quelle est la nature de cet ordre dont il affirme l’existence ? Par quelle sorte d’affinité les essences des objets qui
