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LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.

inconnaissable tout ce qui ne peut être déterminé par la méthode propre aux sciences positives, il constatera cette tendance qui sollicite si puissamment ses propres recherches, après avoir orienté celles de tous les temps[1]… »

Ce n’est pas seulement l’histoire de la physique qui dirige Duhem vers cette conclusion, c’est encore cette considération que « bien souvent, d’une théorie physique, on peut déduire un énoncé qui représente non pas une loi observée, mais une loi observable[2] », et qui est vérifiée par une observation postérieure. Si, à un point de vue logique, la théorie physique n’est qu’un système créé par un libre décret de notre entendement, au point de vue concret de la pratique scientifique, notre physicien attend, escompte la prescience de la théorie et par suite sa valeur objective ; il regarde l’accord de l’expérience et des conséquences logiques de cette théorie, fondée pourtant sur l’arbitraire, plus probable qu’un démenti. Cet accord lui paraît d’autant plus probable que la structure logique de la théorie est plus parfaite. Qu’est-ce à dire, sinon qu’au terme, et déjà d’une façon incomplète et confuse, le logique et le rationnel d’une part, l’intuition et l’expérience d’autre part, s’impliquent nécessairement ? Qu’est-ce à dire, sinon qu’on peut bien dans une analyse abstraite, et en stricte logique, en droit, séparer la théorie de l’expérience, mais qu’en fait, dans la pratique scientifique, dans la recherche concrète, elles sont indivises et inséparables ? Et nous voilà revenus au point de vue de Mach, au point de vue de Rankine : une expérience qui contient en puissance la théorie rationnelle, une théorie rationnelle qui actualise l’expérience : un développement parallèle du rationnel et de l’empirique, une implication réciproque qui défie même souvent les forces de l’analyse logique. La réforme énergétique de la physique semble dominée par ce postulat, ou plutôt par cette constatation nécessaire. « Tout donc presse le physicien de poser cette affirmation : Au fur et à mesure qu’elle

  1. Id. p. 138, 139, 140.
  2. Id. p. 141.