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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

8. — Mais ne sort-il point du courant d’idées suivi par Rankine, Mach et Ostwald, lorsqu’il parle d’additions nécessaires à l’expérience ? de principes arbitraires, d’hypothèses d’après lesquels l’esprit chercherait à l’organiser et aussi à la dépasser ?

Avec Mach déjà, il pouvait sembler qu’une première dérogation était faite aux principes posés par Rankine, lorsqu’intervenait l’idée de l’économie de la pensée ; mais cette dérogation n’était qu’apparente. Ce principe n’enlevait rien, n’ajoutait rien à l’expérience, si on l’interprétait au sens véritable que lui donne indubitablement son créateur.

Avec Duhem, il n’en va pas autrement : non seulement parce que les conclusions de la théorie doivent coïncider avec les résultats de l’expérience, — sans quoi tout le développement de la théorie reisterait arbitraire — mais parce que le développement de la théorie tout entier, depuis ses principes jusqu’à ses conséquences, en passant par toutes ses articulations, doit, au terme, être une représentation fidèle de l’expérience. La théorie deviendra, une fois achevée, une classificaiion naturelle des phénomènes physiques.

Duhem regarde « la théorie physique qui représenterait toutes les lois expérimentales au moyen d’un système unique, logiquement coordonné, comme la théorie idéale[1] ». Et il croit, en énonçant cette proposition, exprimer Tavis de tous les physiciens. « Or, est-il juste de regarder cet idéal comme une utopie ? C’est à l’histoire de la physique de répondre à cette question… La diversité se fondant dans une unité toujours plus conipréhensive, toujours plus parfaite, tel est le grand fait qui résume toute l’histoire des doctrines physiques… Le physicien trouve donc en lui-même une irrésistible aspiration vers une théorie physique qui représenterait toutes les lois expérimentales au moyen d’un système d’une parfaite unité logique… S’il veut n’être que physicien ; si, positiviste intransigeant, il tient pour

  1. Duhem, Physique de croyant (Annales de philosophie chrétienne, novembre 1905, p. 138).