remarqué que pour jeter les bases des sciences qui s’occupent des transformations concrètes de la nature, à aucun moment il n’a été question de considérer la réalité.
Si nous continuions l’examen de l’œuvre scientifique de Duhem, nous verrions que la définition de l’énergie, du travail, de la quantité de chaleur, la notion de modification réversible, sont présentées comme autant de conventions posées arbitrairement par l’esprit. Les postulats de la thermodynamique, le principe de la conservation de l’énergie, et le principe de Carnot sont introduits comme se déduisant analytiquement de ces conventions générales, et d’autres conventions plus spéciales. Enfin ces postulats et ces définitions servent directement à formuler les équations de la mécanique générale, que Duhem présente tout entière comme une conséquence de la thermodynamique. Ces équations vont se compliquant au fur et à mesure qu’elles doivent servir à repérer des propriétés nouvelles. Mais jamais — et il faut insister là-dessus, c’est le fonds même de sa conception scientifique — jamais les expressions mathématiques qu’il propose, en complétant peu à peu son œuvre, ne sont présentées comme mettant en jeu des quantités réelles tirées de la nature des choses, comme des nécessités imposées par la structure de l’objet. C’est toujours un simple développement analytique qui repose sur des raisons de calcul, et n’a d’autre rapport avec les phénomènes que la possibilité ultérieure de les repérer avec plus d’exactitude. Ce sont des cadres de grandeurs différentes qu’un peintre tient en réserve, pour les tableaux qu’il peindra ensuite.
4. — a) Une impression se dégage donc d’abord de la physique théorique que propose Duhem. Elle est toute formelle ; elle ne s’inquiète nullement du contenu réel qui entre dans ses relations, des propriétés objectives évaluées par ses quantités.
Ceci est bien curieux. C’est pour mettre la théorie d’accord avec la réalité concrète que Duhem réforme la mécanique. Et en parcourant sa mécanique nouvelle, l’expérience n’y est jamais mentionnée. Même dans les exposés
