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LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.

La physique théorique n’explique pas ; elle décrit. « À ceux qui veulent que leurs théories expliquent la nature et les causes des lois physiques, opposons celui qui ne cherche dans la physique théorique qu’un symbole de ces lois ; celui-là ne limitera pas d’avance le nombre et la nature des notions qu’il lui sera permis de combiner entre elles, il admettra dans son système d’autres grandeurs que celles de la géométrie et de la mécanique[1] ; lorsqu’une quantité aura été nettement définie, lorsqu’on aura posé d’une manière précise les règles d’après lesquelles elle doit être traitée dans les raisonnements et dans les calculs, mesurée dans les expériences, il ne se refusera nullement à en faire usage ; si les hypothèses faites sur cette quantité permettent de bien représenter la classe de phénomènes qu’il étudie, son esprit sera satisfait ; il ne perdra pas son temps et ses efforts à remplacer cette notion par une combinaison de concepts géométriques et mécaniques[2]. »

Le seul changement que connût l’ancienne mécanique était le changement par lequel un corps occupe des lieux différents à des instants différents : le mouvement local, le mouvement au sens restreint et vulgaire du mot. La nouvelle mécanique rendra à l’idée de mouvement la vaste extension que lui reconnaissait Aristote.

« Sans doute, elle traitera du mouvement local, des changements de lieu et de figure. Mais elle traitera aussi des changements par lesquels les diverses qualités d’un corps augmentent ou diminuent d’intensité, par lesquels un corps s’échauffe ou se refroidit, s’aimante ou se désaimante. Elle traitera également de ces changements d’état physique par lesquels tout un ensemble de propriétés qualitatives ou quantitatives est anéanti pour faire place à un autre ensemble de propriétés toutes différentes ; telles la fusion de la glace, la vaporisation de l’eau, la transformation du phosphore blanc en phosphore rouge. Ces changements

  1. Cf. la théorie d’Ostwald.
  2. Duhem, Réflexions au sujet des théories physiques (Revue des questions scientifiques, janvier 1892. p. 161). (Italique indiquée par moi).