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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

ditions du problème et qui est purement arbitraire, revient à n’en fournir jamais aucune. À tout le moins abandonnet-on alors toute prétention à l’objectivité. Le mouvement caché est le deus ex machina du physicien à court d’explications. Loin d’être le substitut d’une interprétation ultérieure plus proche des faits, il est la porte ouverte à l’arbitraire, un aveu continuel d’ignorance.


III. — l’œuvre positive de duhem


1. — À la construction classique il faut de toute nécessité en substituer une autre. Duhem a abattu ; c’est pour réédifier. Quel est l’esprit de cette nouvelle mécanique ?

« Aujourd’hui, nous ne demandons plus aux théories physiques un mécanisme simple et facile à imaginer, qui explique les phénomènes ; nous les regardons comme des constructions rationnelles et abstraites, qui ont pour but de symboliser un ensemble de lois expérimentales ; dès lors, pour représenter les qualités que nous étudions, nous admettons sans difficulté dans nos théories des grandeurs d’une nature quelconque, pourvu seulement que ces grandeurs soient nettement définies ; peu importe que l’imagination saisisse ou non les propriétés signifiées par ces grandeurs ; par exemple, les notions d’intensité d’aimantation, d’intensité de polarisation, demeurent inaccessibles à l’imagination qui saisit fort bien, au contraire, les corpuscules magnétiques de Poisson, les corpuscules électriques de Faraday, recouverts, à leurs deux extrémités, par des couches fluides de signes opposés ; mais la notion d’intensité de polarisation implique un bien moins grand nombre d’hypothèses arbitraires que la notion de particule polarisée ; elle est plus complètement dégagée de toute supposition sur la constitution de la matière ; substituant la continuité à la discontinuité, elle prête à des calculs plus simples et plus rigoureux ; nous lui devons la préférence. »