Page:Rey - La théorie de la physique chez les physiciens contemporains, 1907.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
139
LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.

physiques semble autoriser la conclusion suivante : « Il existe une incompatibilité radicale entre la mécanique de Lagrange et les lois de la physique ; cette incompatibilité n’atteint pas seulement les lois des phénomènes dont la réduction au mouvement est objet d’hypothèse, mais encore des lois qui régissent les mouvements sensibles.

« Mettons cette incompatibilité en évidence par des exemples très simples.

« La conséquence la plus immédiate des équations de Lagrange est assurément l’équation de la force vive. Si les forces qui sollicitent un système dépendent d’un potentiel, la somme de ce potentiel et de la force vive demeure constante pendant toute la durée du mouvement du système. Or, les actions réciproques des diverses parties du système dépendent toujours d’un potentiel ; il suffit donc que les forces extérieures dépendent d’un potentiel pour que le système soit soumis à la loi dont nous venons de rappeler l’énoncé ; en particulier, ce théorème est applicable à un système qui subit une seule action extérieure, celle de la pesanteur.

« Suivons un tel système dans son mouvement : chaque fois qu’il reprend la même forme et repasse par la même position, le potentiel des forces tant intérieures qu’extérieures reprend la même valeur ; la force vive doit donc également reprendre la même valeur[1]. »

Or, les observations les plus simples nous montrent que les mouvements naturels contredisent à la loi de la conservation de la force vive.

Il sera d’ailleurs toujours permis de supposer des mouvements cachés d’une forme telle que, juxtaposés aux mouvements sensibles, ils suffisent à expliquer les apparences expérimentales. On sera sans doute conduit à des complications formidables ; la réussite n’en sera pas moins, nécessairement et toujours, au bout de l’entreprise. Mais pouvoir toujours fournir une explication, en invoquant une hypothèse que laissent complètement indéterminée les con-

  1. Duhem, L’évolution de la mécanique (Revue générale des Sciences, 1905. p. 184).