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LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.


II. PARTIE DESTRUCTIVE


1. — Mais si nous avons besoin d’une physique théorique, pouvons-nous nous contenter de ce que nous a légué le mécanisme traditionnel ? Duhem trouve qu’il est malaisé d’y loger nos connaissances physico-chimiques actuelles. Les corps de logis y sont tantôt trop étroits et tantôt trop spacieux. Certains sont contournés à l’excès : des labyrinthes. D’autres ne s’adaptent pas assez étroitement aux exigences des faits qu’on y veut faire entrer. La complication, les difficultés, les insuffisances sont partout ; l’adéquation de la théorie à la réalité, nulle part.

On doit se demander alors pourquoi toutes ces théories classiques qui sont à peu près universellement professées, qui ont reçu l’adhésion des savants les plus illustres, qui sont le résultat de trois siècles de labeurs persévérants sont si incohérentes, si incomplètes et si vagues.

Il est presque impossible de supposer qu’elles ont été, en elles-mêmes, mal développées. Leurs auteurs nous seraient un sûr garant du contraire. La réponse est donc nécessaire : c’est que l’entreprise était chimérique ; elle ne pouvait pas réussir.

Et pourquoi ne pouvait-elle pas réussir ? Pourquoi les sciences physico-chimiques ne se développeraient-elles pas comme une promotion de la mécanique ? C’est — et là encore il ne peut y avoir à hésiter sur la solution — que la mécanique traditionnelle, la mécanique du mécanisme, si l’on peut dire, est insuffisante. Elle porte sur certaines abstractions, sur certaines simplifications apportées aux phénomènes naturels, non sur les phénomènes naturels. Rien d’étonnant alors qu’on ne puisse tirer d’une série d’hypothèses qui, de parti pris, négligent certaines propriétés naturelles, une explication de ces propriétés. En somme, la mécanique de Lagrange reste enfermée dans des limites trop restreintes pour servir de cadre général à l’explication des phénomènes de la nature.