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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

pection des effets produits sur le corps entier ; c’est à celui-ci, non à celui-là, que ressemble le physicien.

… « Les vérifications expérimentales ne sont pas la base de la théorie ; elles en sont le couronnement[1]. »

4. — L’empirisme est donc une fiction, la science, simple résumé de la constatation expérimentale, une chimère. Mais ne semble-t-il pas alors que la vérité soit rencontrée chez les logiciens qui prétendent que la science n’est qu’un discours, — pour organiser d’une façon commode nos connaissances, — et qu’il y a autant de formes scientifiques que de langues imaginables ? Par la perception, nous mettons déjà de nous-mêmes dans la représentation en apparence la plus immédiate. L’analyse du souvenir, puis de la conception, ne laissent à peu près plus rien d’objectif dans la connaissance. Partout nous voyons une construction complexe et symbolique effectuée pour satisfaire nos besoins pratiques. Nos observations scientifiques sont, en dernière analyse, des artifices ingénieux que conseille la conservation de l’individu ou de l’espèce. Nous avons pratiquement


    elles-mêmes sur les principes de la mécanique générale ; faire intervenir la loi de compressibilité du mercure dont la détermination se relie aux questions les plus délicates et les plus controversées de la théorie de l’élasticité. Pour former la troisième, il a fallu définir la température, justifier l’emploi du thermomètre ; et tous ceux qui ont étudié" avec quelques soins les principes de la physique savent combien la notion de température est éloignée des faits et difficile & saisir. — Ainsi quand Regnault faisait une expérience, il avait des faits devant les yeux, il observait des phénomènes. Mais ce qu’il nous a transmis de cette expérience, ce n’est pas le récit des faits observés ; ce sont des données abstraites que les théories admises lui ont permis de substituer aux documents concrets qu’il avait réellement recueillis. — Ce que Regnault a fait, c’est ce que fait tout physicien expérimentateur. Voilà pourquoi nous pouvons énoncer ce principe dont la présente étude développera les conséquences : une expérience de physique est l’observation précise d’un groupe de phénomènes accompagnée de l’interpréiation de ces phénomènes. Cette interprétation substitue aux données concrètes recueillies par l’observation des représentations abstraites et symboliques qui leur correspondent en vertu des théories physiques admises par l’observateur. » (Duhem, Réflexions sur la physique expérimentale. Revue des questions scientifiques, juillet 1894, p. 192 à 197).

  1. Duhem, Réflexions sur la physique expérimentale. Revue des questions scientifiques, juillet 1894, p. 192 à 197.