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LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.

« La physique n’est pas une machine qui se laisse démonter. On ne peut pas essayer chaque pièce isolément et attendre, pour l’ajuster, que sa solidité en ait été minutieusement contrôlée ; la science physique, c’est un organisme que l’on doit prendre tout entier ; c’est un organisme dont on ne peut faire fonctionner une partie sans que les parties les plus éloignées de celle-là entrent en jeu les unes plus, les autres moins, toutes à quelque degré ; si quelque gêne, les plus éloignées de celles-là entrent en jeu, les unes plus, sîcien sera obligé de deviner quel est l’organe qui a besoin d*ôtre redressé ou modifié, sans qu’il lui soit possible d’isoler cet organe et de l’examiner à part ; l’horloger auquel on donne une montre qui ne marche pas en sépare tous les rouages et les examine un à un, jusqu’à ce qu’il ait trouvé celui qui est faussé bu brisé ; le médecin auquel on présente un malade ne peut le disséquer pour établir son diagnostic, il doit deviner le siège du mal par la seule ins

    sique ? Non, dans un viseur Regnault a vu l’image d’une certaine surface de mercure affleurer à un certain trait ; est-ce là ce qu’il a écrit dans la relation de ses expériences ? Non, il a inscrit que le gaz occupait un volume ayant une telle valeur. Un aide a élevé et abaissé la lunette d’un cathéthomètre jusqu’à ce que l’image d’un niveau du mercure vînt affleurer le fil d’un réticule ; il a alors observé la disposition de certains tradts sur le vernier du cathétomètre ; est-ce là ce que nous lisons dans le rapport de Regnault ? Non, nous y lisons que la pression supportée par le gaz avait une telle valeur. Un autre aide a vu dans un thermomètre le mercure affleurer à un certain trait invariable ; est-ce là ce qu’il a consigné ? Non, on a marqué que la température était fixe et atteignait tel degré. Or qu’est-ce que la valeur du volume occupé par le gaz, qu’est-ce que la valeur de la pression qu’il supporte, qu’est-ce que le degré de température auquel il est porté ? Sont-ce des faits ? Non, ce sont trois abstractions. « Pour former la première de ces abstractions, la valeur du volume occupé par le gaz, et la faire correspondre au fait observé, c’est-à-dire à l’affleurement du mercure en un certain trait, il a fallu jauger le tube, c’est-à-dire faire appel non seulement aux notions abstraites de l’arithmétique et de la géométrie, aux principes abstraits sur lesquels reposent ces sciences, mais encore à la notion abstraite de masse, aux hypothèses de mécanique générale et de mécanique céleste qui justifient l’emploi de la balance dans la comparaison des masses. Pour former la seconde, la valeur de la pression supportée par le gaz, il a fallu user des notions si profondes, si difficiles à acquérir de pression, de forces, de liaison, appeler en aide des lois mathématiques de l’hydrostatique, fondées