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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

tiquement utiles, mais des fictions, et ce ne seront jamais que des fictions. On peut en imaginer une infinité d’équivalentes, de même que, pour correspondre, on peut combiner une infinité de systèmes de signaux.

Que deviennent alors les théories physiques ? Doit-on les admettre encore, à un nouveau point de vue, ou les rejeter ?

Il semble que ces deux tendances coexistent, dans la critique philosophique de la science. Certains métaphysiciens surenchérissent sur l’attitude positiviste et ne veulent rien admettre en dehors des résultats expérimentaux. Etudier un phénomène, c’est faire un certain nombre de mesures. L’étude est d’autant plus parfaite que les mesures sont plus exactes. Ces mesures permettent d’établir quelques relations mathématiques approchées qui expriment soit les variations du phénomène, soit ses rapports avec d’autres phénomènes.

La science n’est plus qu’un recueil de recettes, ou mieux, qu’une collection d’observations faites avec précision. C’est l’empirisme le plus absolu. Les hypothèses n’ont plus aucune raison d’être. La physique théorique est une superfétation.

Il n’est pas un savant qui adopterait entièrement cette attitude, et Duhem n’a pas de peine à montrer qu’elle n’existe pas et ne saurait exister sur le terrain scientifique.

« Pour le physiologiste, pour le chimiste, comme pour le physicien, l’énoncé du résultat d’une expérience implique en général un acte de foi en l’exactitude de tout un ensemble de théories… Prétendre séparer l’observation de toute théorie, se vanter d’avoir écrit un mémoire purement expérimental de physique, c’est une tentative illusoire ; autant vaudrait essayer d’énoncer une idée sans employer aucun signe parlé ou écrit[1]

  1. « Regnault étudie la compressibilité des gaz ; il prend une certaine quantité de gaz, il renferme dans un tulpe de verre ; il maintient la température constante ; il mesure la pression que supporte le gaz et le volume qu’il occupe. Voilà, dira-t-on, l’observation minutieuse et précise de certains phénomènes, de certains faits. Assurément, devant Regnault, entre ses mains, entre les mains de ses aides, des faits se sont produits ; est-ce le récit de ces faits que Regnault a consigné pour contribuer à l’avancement de la phy-