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LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.

ont montré ensuite comment cette méthode se prête, mieux que tout autre, à faire progresser la recherche expérimentale, et à en représenter les résultats. Mais ils ne se sont guère attachés à examiner en elle-même, dans ses procédés logiques cette représentation : c’est-à-dire la nouvelle théorie physique.

2. — C’est cet objet, au contraire, que s’est proposé plus spécialement Duhem. En ajoutant l’analyse de ses idées à celles des idées de Rankine, de Mach et d’Ostwald, nous aurons une vue à peu près complète de la réforme qu’on a opposée au mécanisme traditionnel. Duhem substitue, en effet, à l’esquisse de Rankine une œuvre achevée ; il suit la même méthode, mais en s’affranchissant plus complètement des souvenirs classiques. Il analyse, en outre, — et c’est ce qui surtout nous intéresse, — la structure logique de la partie théorique et systématisatrice de la nouvelle physique, en descendant dans les détails les plus minutieux, pour en déterminer la nature, la valeur et les limites. Cette analyse est, ici, essentielle, car trop souvent, comme on va le voir, la critique philosophique a sophistiquement déduit des réflexions des réformateurs la vanité de toute physique théorique qui voudrait se présenter comme savoir.

Après avoir examiné la réfutation directe que Duhem fait précisément de ces conclusions philosophiques, ce qui dégage bien son point de vue général, j’étudierai, comme pour Rankine et Mach, sa critique destructive de la structure traditionnelle de la théorie physique, et enfin son œuvre constructive.

3. — La critique scientifique, que l’on a résumée jusqu’ici, aboutit à cette conclusion : les sciences n’ont pas une valeur ontologique. Elles n’assignent pas de causes, si l’on prend ce mot dans son sens métaphysique. Les sciences ne font que constater entre les phénomènes des relations, des liaisons qui sont nécessaires pour en tracer une description exacte, description qui permet la prévision. Quant aux hypothèses mécanistes imaginées pour rendre compte de ces liaisons, ce sont des fictions de l’esprit, pra-

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