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LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.

moins au point de vue de la recherche scientifique. Le mécanisme traditionnel a eu le tort de donner une valeur ontologique, transcendante, a des éléments qui ne pouvaient avoir de valeur que comme objet d’expérience possible. Par là trop souvent il a eu le tort de laisser supposer que l’expérience n’avait qu’une valeur relative, et que peut-être le rationnel en tant qu’on l’opposait à l’expérience, dans une conception voisine du cartésianisme, dépassait en valeur l’expérience elle-même. Rationnel et expérience, du point de vue de Mach, ont une valeur identique, car au fond ils sont identiques : ils constituent la connaissance rationnelle si l’on prend pour centre l’agent de la connaissance, expérimentale si l’on considère son objet. La connaissance scientifique en elle-même est un tout indivisible, au-delà de laquelle la science n’a rien à supposer : elle est une expérience rationnelle qui se suffit à elle-même.

On voit donc, avec Mach et Ostwald, se préciser les indications méthodologiques données par Rankine, en ce qui concerne les rapports de l’expérience et de la conception générale de la physique. C’est à une conception absolument expérimentale des bases de la physique qu’ils aboutissent. La science physique est le développement, et n’est que le développement de l’expérience physique. Le rationnel se constitue, avec ce développement et au sein de ce développement, de telle façon qu’il forme ou doit former avec lui, au terme, une unité indivisible. Jamais, autant qu’avec Mach ou Ostwald, le savant n’a lu d’aussi près la loi dans l’expérience. Jamais encore l’expérience n’avait été aussi nettement la mesure de toute connaissance.

3. — Mais expérience ne signifie pas ici inertie de l’esprit devant les choses : expérience signifie accommodation, adaptation réciproques et mutuelles des choses connues et de l’agent qui connaît, dans l’unité indivisible du résultat. Toute distinction, tout dualisme d’objet et de sujet, doivent s’effacer devant les résultats que la science physique considère comme définitifs. Il n’y a plus que le fait nécessaire : « Voilà ce qu’est le monde physique », telle est la conclusion-limite du physicien ; quant à chercher s’il pourrait être