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L’ANALYSE DES DOCTRINES.


VI. — CONCLUSIONS


1. — Les sciences physico-chimiques doivent nous mettre en définitive en face d’un tableau qui reproduise de la façon la plus claire l’ordre et l’enchaînement de phénomènes naturels, l’ensemble de toutes nos sensations actuelles et possibles et leurs relations : de telle sorte que nous puissions les reproduire et les prévoir.

D’un point de vue métaphysique, d’une conception peut-être impensable, d’une connaissance absolue, l’énergétisme, comme le kantisme, comme le positivisme, peut passer superficiellement pour un scepticisme. Mais si on l’examine en lui-même, on voit qu’il est un effort pour mettre la science à l’abri de tout scepticisme et de toute critique. Il asseoit sa certitude d’une façon inébranlable, et lui donne une valeur complète dans le monde de l’expérience que, seul, nous pouvons nous représenter, et dans lequel, seul, nous avons accès, tout en reconnaissant qu’il ouvre un champ illimité d’exploration et de progrès.

2. — On peut dire que l’énergétisme nous libère à la fois du scepticisme fîdéiste et de la métaphysique qu’on lui oppose, en affirmant qu’il est contradictoire ou impensable de chercher quelque chose derrière les phénomènes. Les phénomènes, les sensations, sont, toujours et partout, ce dont la connaissance part et ce à quoi elle aboutit. Chercher plus loin, c’est commettre la même absurdité, le même défi à la pensée saine, que se demander si l’on ne pourrait pas faire du jour la nuit, ou de la nuit le jour, en changeant notre langage : chose évidemment facile, puisqu’au fond cela reviendra exactement au même. Parler d’un espace absolu ou d’un temps absolu, en physique, chercher les éléments absolus des phénomènes, des lois absolues, des causes absolues, etc., c’est nommer d’une certaine façon certaines de nos sensations, ou certaines copies que notre pensée s’en fait : pourquoi ne pas s’en tenir au langage ordinaire et introduire cette inutile complication ?… L’expérience tout entière est un absolu, et il n’y a pas d’absolu à chercher derrière l’expérience, du