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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

rattacher la nouvelle idée à la théorie mécanique alors régnante, mais l’idée perdait son principal caractère[1]. » Ce caractère est l’équivalence de toutes les formes de l’énergie, dont l’expérience de Mayer ne révèle qu’un cas partiel. L’équivalence de toutes les former de l’énergie, loin d’aller vers une réduction progressive de toutes ces formes à l’une d’entre elles (l’énergie mécanique), les pose, au contraire, toutes sur le même plan. La notion de l’énergie non spécifiée est donc établie comme primitive. Immédiatement, l’expérience la différencie en plusieurs spécifications dérivées : L’énergie cinétique (d’où résulte, par une nouvelle dérivation, la notion mécaniste de masse, qui n’est que la capacité d’énergie cinétique) ; l’énergie de volume (d’où dérive encore la notion mécaniste d’impénétrabilité) ; l’énergie de position qui, particularisée, engendre la notion de poids). Enfin, les énergies thermique, électrique, chimique[2], etc.

La matière s’évanouit : « elle n’a plus même l’espace qu’elle occupait, car cet espace ne nous est connu que par la dépense d’énergie nécessaire pour le pénétrer. La matière n’est autre chose qu’un groupe de différentes énergies, rangées ensemble dans l’espace, et tout ce que nous voulons en dire, nous le disons de ces énergies seulement[3]. »

3. — Ces énergies ne sont rien autre chose que la cause de nos sensations. Elles sont le véritable contenu de nos expériences réelles. « Toutes nos sensations ont un caractère commun et un seul : elles correspondent à une différence d’énergie entre les organes des sens et le milieu qui les entoure[4]. » L’énergie, ses différentes formes, leurs rapports de variation et de transformation, voilà donc bien le contenu de l’expérience, l’objet, et le seul objet de la con-

  1. Ostwald, La Déroute de l’Atomisme contemporain (Revue générale des Sciences, 1895, p. 956).
  2. Id. Abrégé de Chimie générale, trad. fr., p. 237 sq.
  3. Id., p. 957. Comparer cette citation avec la critique que Duhem fait d’Ostwald dans la citation de la page 113 et dans laquelle il soutient qu’Ostwald réduit la réalité physique à l’espace.
  4. Id., p. 956.