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LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.

tions sont ce qu’on appelle, dans le langage vulgaire, les relations causales : si bien que tant vaudra la relation causale, et tant vaudra l’enchaînement de la physique, l’objectivité de l’analyse des sensations qui constituent l’univers matériel. Or, que voyons-nous dans les écrits de Mach, au sujet de la relation causale ?

« Lorsque nous parlons de causes et d’effets, lisons-nous d’abord, nous faisons arbitrairement ressortir, dans la copie mentale d’un fait, les circonstances dont nous devons estimer l’enchaînement dans la direction qui est importante pour nous. Dans la nature, il n’y a ni causes, ni effets. La nature n’est présente qu’une fois. Les répétitions de cas semblables où A est toujours lié à B, c’est-à dire les conséquences identiques de circonstances identiques dans lesquelles consiste précisément l’essentiel de la relation de cause à effet, n’existent que dans l’abstraction que nous employons, afin de copier les faits dans la pensée[1] ».

Et nous lisons immédiatement après : « Une chose nous est-elle devenue familière, nous n’éprouvons plus le besoin de cette mise en évidence de l’enchaînement des caractéristiques, nous ne dirigeons plus notre attention sur ce qui va arriver de neuf, nous ne parlons plus de causes, ni d’effets. »

La relation causale serait donc une forme arbitraire et subjective de la pensée, forme précaire qui s’élimine d’ellemême dès que les choses nous deviennent familières ? La relation causale, pour reprendre une expression de Mach à propos du mécanisme, ne serait qu’une béquille dont nous nous aiderions pour découvrir le réel, tant que nous ne saurions pas marcher tout seuls ? Mach le proclame, en effet. Mais pourquoi, à un moment donné, pouvons-nous rejeter la béquille, et quand et comment arrivons-nous à marcher tout seuls ? Toute la question est là, et l’équivoque est vite dissipée dès qu’on cherche la réponse de Mach, et dissipée tout au profit de l’objectivité de la physique.

Nous ne parlons plus de causes et d’effets, nous n’avons plus le besoin de cette mise en évidence de l’enchaînement des caractéristiques, parce que la science poussée plus loin,

  1. Mach, La Mécanique, p. 451.