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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

d’Ostwald. Ces intentions sont réalistes et objectivistes. Il ne veut pas vider le monde de son contenu réel. Il veut empêcher qu’on masque ce contenu réel par des additions imaginaires ou qu’on l’élimine, au contraire, par des subtitutions arbitraires. Il veut le garder tel qu’il est. L’énergie est la propriété générale des sensations qui constituent l’univers physique ; elle est le fondement, le seul possible, des sciences physico-chimiques. La réalité inspirera donc à ces sciences, comme forme universelle, la seule copie que la pensée puisse se faire de la réalité sensible.

9. — Quand Mach ou Ostwald parlent d’abstraction, ils ne parlent donc pas nécessairement d’une idée imaginaire, sans contact avec la réalité. Cela serait vrai de l’abstraction mécaniste ou métaphysique. Mais l’abstraction vraiment scientifique est simplement la perception d’éléments communs dans ce qui est dissemblable. Ces éléments communs sont des relations par lesquelles souvent même s’expliquent les dissemblances, par conséquent, des relations plus profondes, plus réelles, si l’on peut dire. Ce que nous saisissons ainsi comme relation abstraite a certainement son existence dans les termes des comparaisons dont nous avons extrait cette relation, une « base réelle dans l’excitation sensorielle ».

Nous trouvons une confirmation de cette réalité expérimentale de la relation abstraite (donc de la loi physique) dans la théorie de Mach sur l’idée de cause[1].

L*idée de cause est le grand ressort de la physique. Si nous dépassons la sensation brute dans notre copie mentale, c’est parce que nous remontons des effets aux causes, du donné aux éléments nécessaires qui le conditionnent. Trouver les éléments généraux et abstraits à l’aide desquels nous construisons notre copie, c’est découvrir les relations qu’entretiennent entre elles des sensations multiples, et par ces relations retracer leur ordre et leur système. Ces rela-

  1. Mach : Die Principien der Wärmelhere, p. 452 sq. et p. 424 sq. — Id. Analyse der Empfindungen, p. 25, p. 66 sq. — Id. Die Geschichte und die Wûrzel des Satzes von der Erhaltung der Arbeit, p. 35.