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LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.

quoi ne l’identifierions-nous pas à l’espace, réceptacle de certaines vitesses et de certaines forces vives ? Pourquoi ne réduirions-nous pas la mécanique à l’étude « de l’étendue et de ses changements tous nuds », changements qui laissent invariables dans le monde la quantité totale d’énergie ? Ainsi serions-nous amenés à la doctrine nouvelle qui a vogue sous le titre de Théorie de la migration de l’énergie.

« Au moment de quitter la terre ferme de la mécanique traditionnelle pour nous élancer, sur les ailes d’un rêve, à la poursuite de cette physique qui localise les phénomènes dans une étendue vide de matière, nous nous sentons pris de vertige ; alors, de toutes nos forces, nous nous cramponnons au sol ferme du sens commun ; car nos connaissances scientifiques les plus sublimes n’ont pas, en dernière analyse, d’autre fondement que les données du sens commun ; si l’on révoque en doute les certitudes du sens commun, l’édifice entier des vérités scientifiques chancelle sur ses fondations et s’écroule.

« Nous persisterons donc à admettre que tout mouvement suppose un mobile, que toute force vive est la force vive d’une matière. « Vous recevez un coup de bâton, nous dit M. Ostwald ; que ressentez-vous, le bâton ou l’énergie ? » Nous avouerons ressentir l’énergie du bâton, mais nous continuerons à en conclure qu’il existe un bâton porteur de cette énergie, qui réside en certains lieux de l’espace, qui se transporte d’une région à une autre, ressemble singulièrement à une matière qui aurait renié son nom, mais n’aurait pu changer d’essence. Nous demeurerons donc en deçà des doctrines pour lesquelles l’existence substantiefle de matières diverses et massives devient une illusion et nous arrêterons nos discussions aux bornes que Hertz lui-même n’avait pas franchies[1]. »

À ce que je crois, c’est fort mal représenter les intentions

  1. P. Duhem, L’Évolution de la mécanique (Revue générale des Sciences, 15 mars 1903, p. 253. Cette critique est bien curieuse sous la plume de Duhem. On verra, en effet, au chapitre suivant, qu’il s’efforce de construire une physique théorique purement mathématique, donc sans matière, et qu’il fait reposer cette physique sur les principes relatifs à l’énergie.

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