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LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.

de relations réelles et exactes, si nous ne les tenons jamais toutes.

L’idée d’évolution, qui a profondément imprégné l’esprit de Mach, s’est ajoutée à l’idée psychophysique, pour donner un sens plus vivant et plus plein à cette dernière conclusion. L’évolution de la science ne peut pas être considérée comme nous amenant progressivement vers un but bien déterminé. Le but, si l’on veut, paraît toujours s’éloigner, à mesure qu’on croit le saisir. Mais en le poursuivant, on n’en fait pas moins du chemin, et ce chemin fait n’est plus à faire. Il y a un véritable progrès scientifique, et ce progrès consiste en une capitalisation croissante des découvertes. Chaque jour, l’analyse des sensations s’approfondit, si l’on ne peut pas dire qu’elle se complète. Chaque jour aussi, notre maîtrise s’accuse sur la nature ; notre science réussit mieux dans ses prévisions et dans les utilisations pratiques que suggèrent ces prévisions. Elle s’adapte, et en s’adaptant nous adapte, car la science est un processus biopsychologique (Mach affectionne cette expression). L’histoire des sciences n’est plus une anecdote ; elle est une évolution : chaque pas fait dans l’analyse prépare le pas suivant, et est fonction du pas précédent. La construction de la science porte l’empreinte de son objectivité, jusque dans la manière dont elle s’opère. Nous retrouvons ici toutes nos conclusions antérieures.

À mesure que nous avançons dans le travail scientifique, il surgit des contradictions, des difficultés. Les relations nouvellement découvertes paraissent incompatibles avec celles qui les avaient précédées. Avons-nous alors ruiné la science ? La vérité d’aujourd’hui n’est donc plus la vérité d’hier ? Objection puérile : c’est, au contraire, un progrès nouveau qui s’annonce et qui continue les précédents, une adaptation plus étroite au réel. De deux choses l’une, en effet : ou bien nous avions commis une erreur d’expérience ; et alors nous la rectifions. Notre science se débarrasse d’un résultat mauvais ou douteux. Elle substitue à une relation moins conforme, une relation qui l’est davantage : ce cas n’arrive d’ordinaire que pour les détails, ou s’il porte