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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

forme, de consistance, de température, selon qu’une colonne de mercure est plus ou moins haute dans un tube capillaire. Toutes ces relations qui déterminent les sensations que j’ai du soufre me seront données, quels que soient mon état, le lieu où je me trouve ; elles seront données à tous ceux qui manieront du soufre. Je m’entendrai avec eux sur tous les résultats de l’analyse de cette première catégorie de sensations : les résultats sont objectifs : c’est de la physique.

Mais si j’absorbe de l’alcool ou de la morphine, si mon œil a telle ou telle maladie, telle ou telle hallucination, si les sensations antécédentes ou concomitantes que j’ai ressenties ont modifié les sensations de couleur, d’odeur, de température, de forme, de poids, de résistance que me donnait ce morceau de soufre, si mes voisins déclarent qu’ils n’ont pas les mêmes sensations que moi, je dirai que mes sensations sont modifiées par des relations subjectives. L’analyse de ces relations, conduite de telle façon que les résultats en soient concordants pour tous les sujets examinés, constituera la science psychologique.

L’analyse des sensations ainsi entendue n’a pour ainsi dire jamais de terme, aussi bien dans son sens physique, que dans son sens psychologique : c’est pourquoi toute notion substantielle et métaphysique est vide de sens. Nous ne serons jamais sûrs de ne pas découvrir des relations nouvelles dans l’analyse des sensations. Nous arrivons à des parties provisoirement indissociables. Ces éléments forment des complexes réguliers, sous des conditions données, en se combinant selon certains rapports constants et uniformes. Nous avons des lois physiques, mais ces lois ne peuvent jamais être considérées comme une explication complète, définitive. Elles ne sont que des conditions nécessaires, non suffisantes. En ce sens, la science ne peut jamais être dite parfaite, achevée. Seulement, et c’est là que se précise bien la position de Mach et des énergétistes, tout ce qui est établi par le contrôle de l’expérience — et sous la réserve des erreurs humaines — n’en subsiste pas moins comme nécessaire. Nous tenons un certain nombre