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LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.

objet. Et il serait difficile d’être plus profondément réaliste ici que les énergétistes. Mais cette copie n’aurait aucune valeur et aucune utilité si elle était un décalque photographique de la sensation brute. Bien plus, elle serait impossible parce que la sensation brute est impensable, et qu’il s’agit d’avoir cette copie dans la pensée. Psychologiquement, les sensations sont déjà, autant que nous les pouvons observer, formées par la superposition et l’assimilation d’une multiplicité de données primitives. Si bien qu’en somme, une sensation devenue une représentation est déjà en réalité, une relation entre plusieurs sensations, une perception de ce qu’elles ont de commun entre elles. C’est une image générique.

Décomposer cette image générique, briser l’unité de la représentation primitive, voilà la démarche scientifique essentielle. En ce sens, elle est toujours une abstraction, mais elle n’est pas une abstraction arbitraire ; elle est une abstraction guidée par la manière dont se présente l’expérience. Tout acte de connaissance, même celui qui nous semble le plus rudimentaire, la représentation primitive et spontanée, est déjà une abstraction. La perception ne conserve des assemblages complexes de sensations dont elle est la résultante, que ce qui a, par son intérêt ou sa réapparition constante, fixé notre attention. Elle les a dissociées des autres qui sont tombées plus ou moins dans l’inconscient’. Cette démarche abstractive, commencée par la perception, la pensée scientifique la continue. Partant de la perception primitive, elle dissocie à son tour le faisceau complexe présenté par la perception. Mais dans cette dis-


    nous portons notre attention sur ces variations, et il devient naturellement impossible de conserver en même temps le concept d’invariabilité, pour peu que nous ne voulions pas en arriver à des notions vides et contradictoires, telles que celle de la « chose en soi ». Les sensations ne sont pas des « symboles des choses ». La chose est, au contraire, un symbole mental pour un complexe de sensations d’une stabilité relative. Ce ne sont pas les choses (les objets, les corps), mais bien les couleurs, les sons, les pressions, les espaces, les durées (ce que nous appelons d’habitude des sensations), qui sont les véritables cléments du monde. » (Mach, La Mécanique, p. 450, 451).