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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

nement de propositions arbitraires et vides de tout contenu expérimental. Aussi, sortie de l’expérience, imposée par elle, vérifiée ou plutôt remplie tout entière par ses résultats, la systématisation est apte à rendre de nouveaux services à la recherche expérimentale.

8. — La valeur objective de la physique, qu’affirment fortement et avec preuves à l’appui tous les partisans de la conception énergétique, a sa raison dernière dans la conception même qu’ils se font de l’objet de la physique. Elle peut se résumer en deux propositions :

Le réel est un ensemble de sensations et n’est que cela ;

Toutes les sciences, et en particulier les sciences physicochimiques, sont l’analyse des sensations[1].

La première proposition se passe de commentaires. D’ailleurs, si on la commentait, ce commentaire appartiendrait à la philosophie pure et non à l’histoire de la science. Sur le terrain scientifique et positif, il est certain que la connaissance part de la sensation, et que la sensation est le primum datum sur lequel elle travaille et auquel elle doit toujours revenir. La sensation ou les complexes de sensations, voilà le phénomène brut, l’objet[2].

La science a pour but de nous donner une copie de cet

  1. Analyse der Emplindungen, pp. 1-8.
  2. « Lorsque nous faisons dans la pensée la copie d’un phénomène, jamais celle-ci n’est faite d’après le fait global, mais bien d’après celui de ses côtés qui nous a semblé important. Dans cette opération, nous avons un but qui est le produit indirect ou immédiat d’un intérêt pratique. Nos copies sont toujours des abstractions et, ici encore l’on peut constater cette même tendance à l’économie.

     » La nature est composée des éléments donnés par les sens. L’homme primitif saisit d’abord certains complexes de ces éléments, ceux qui se manifestent avec une stabilité relative et qui ont pour lui de l’importance. Les mots les plus anciens sont des noms pour des choses, et, dans cette pure désignation, se reconnaît déjà une abstraction de tout l’entourage de la chose et des petites variations continuelles subies par ce complexe, qui, moins importantes, ne sont pas observées. Il n’y a dans la nature aucune chose mvSriable. Une chose est une abstraction. Un nom est un symbole pour un complexe d’éléments dont on ne considère pas la variation. Nous désignons le complexe entier par un mot, par un symbole unique lorsque nous avons besoin de rappeler en une fois toutes les impressions qui le composent. Plus tard, parvenus à un degré supérieur.