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LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.

4. — Mais si les principes sont le résultat d’une évolution qui part de l'expérience, entre le point de départ et le point d’arrivée il n’est pas moins vrai qu’il y a eu une évolution. Les principes ne ressemblent plus aux lois empiriques. Dans la construction déductive de la science, qui, pour la physique, a été la période des hypothèses moléculaires et du mécanisme atomique, on a pu, sans doute, se contenter de voir dans les principes la simple extension, guidée par l’expérience, la généralisation normale des lois empiriques. C’est pourquoi la physique, dans cette période, s’est crue la copie inaltérée de la réalité. Le réalisme naïf de la physique corpusculaire n’a pas d’autre raison. Mais l’histoire critique de la période formelle nous amène à d’autres conclusions. Elle va nous montrer que le travail effectué par la généralisation des lois empiriques n’était pas simplement un travail de généralisation et d’extension, la simple continuation de l’œuvre expérimentale. Un autre travail plus profond remaniait à notre insu les principes et la construction scientifiques. Les hypothèses n’étaient pas la traduction fidèle des constatations expérimentales. Mais elles les interprétaient dans un certain sens, sous l’influence d’idées directrices, bien étrangères à la seule préoccupation de réfléchir fidèlement la nature. Ce sont ces idées directrices que la période formelle du développement scientifique met nettement, et surtout, en lumière, car elles supplantent alors toute autre influence sur le progrès de la connaissance. Elles nous font comprendre le véritable sens de l’évolution des propositions scientifiques, et comment celles-ci, tout en restant étroitement rattachées à leur base expérimentale, en deviennent plutôt une interprétation qu’une simple réflexion. Il ne faut pas croire, pour cela, que la science change ici d’allure et de méthode, car ces idées directrices étaient déjà implicitement contenues dans les recherches expérimentales antérieures. La continuité du processus scientifique n’est donc rompue en aucun endroit, pas plus que les liens qui, en le rattachant à l’expérience, assurent son objectivité. Seulement la fonction de la connaissance réagit naturellement sur l’expérience dont elle a