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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

et le contenu réel de la science évoluent donc, mais d’une façon à peu près unilinéaire[1].

Les principes sur lesquels se fonde l’exposé formel de toute théorie physique ne sont-ils pas, en effet, les lois, beaucoup plus réalistes, qui présidaient à sa construction déductive ? Seulement, ce sont ces lois amenées à leur maximum de clarté, d’intelligibilité et de commodité. À leur tour, les lois de la construction déductive, les lois et les définitions de la mécanique newtonienne, par exemple, puisque Mach arrête à celle-ci le terme du développement déductif de la mécanique, ne sont que le résultat de la lente accumulation des observations et des expériences, dans la phase empirique et originelle de la science. Toute extension dans la période formelle, toute généralisation dans la période déductive, toute découverte dans la période empirique résultent donc de l’influence latente et confuse de l’expérience, des conséquences, des relations et de l’ordre réel des phénomènes dans la nature. Elles sont les traductions des propriétés et des lois de l’objet, qui passent peu à peu dans la systématisation scientifique. De la découverte empirique à la systématisation formelle, il y a éclaircissement et maniabilité progressive, mais il y a, établi par les principes mêmes qui dirigent l’évolution scientifique, un seul et unique processus qui découvre et assimile peu à peu les lois du réel.

L’énergétisme a donc l’ambition de représenter, en fin de compte, dans ses abstractions les plus éloignées, à première vue, du monde de la perception sensible, l’objectivité phénoménale de l’expérience. Les principes fondamentaux sont les relations les plus générales qu’un incessant contact avec l’objet a fini par imprimer sur notre esprit.

  1. Ceci explique et aide à résoudre les nombreux problèmes de priorité que rencontre sur sa route l’historien de la physique. Et le fait même que ces problèmes se posent est, pour Mach, une confirmation de ses vues sur les principes de la physique théorique. Il a longuement montré que de multiples manifestations d’une même idée, à un même moment, sont fréquentes ; elles sont dues au développement nécessaire des idées générales de la physique sous la pression des faits, aux nécessités de l’expérience objective.